Xavier Niel, fondateur de Free (groupe Iliad) et copropriétaire du journal Le Monde, a annoncé vendredi avoir pris le contrôle des 34% de Nice-Matin détenus par le groupe belge Nethys, qu’il se disputait depuis plusieurs jours avec le magnat franco-libanais Iskandar Safa, propriétaire de Valeurs Actuelles.
L’officialisation du rachat de 51% d’Avenir Développement, la holding du groupe belge Nethys qui possédait ces 34% du quotidien régional depuis 2016, est survenue alors même que les quelque 450 salariés actionnaires de Nice-Matin, propriétaires des autres 66% du capital via une SCIC dans laquelle ils avaient investi leur 13e mois en 2014, étaient réunis en assemblée générale à Nice.
Dans son communiqué, via sa holding personnelle NJJ, M. Niel précise être convenu avec Nethys d’acquérir « dans un délai court » les 49% restant du capital d’Avenir Développement.
Théoriquement, ce rachat offre à Xavier Niel à moyen terme l’intégralité du capital de Nice-Matin: en vertu du pacte d’actionnaires unissant Avenir Développement et la SCIC Nice-Matin, Avenir Développement devra en effet acquérir ces 66% restant au 1er février 2020, pour un prix d’environ 925.000 euros, précise un courrier de sa holding personnelle NJJ signé de l’homme d’affaires envoyé jeudi. A cette date, Xavier Niel sera donc potentiellement propriétaire de 100% du capital du journal.
Dans son courrier envoyé aux coopérateurs de la SCIC, à Jean-François Roubaud, le président du conseil de surveillance du groupe Nice-Matin, et à Jean-Marc Pastorino, président du directoire, M. Niel précise être « ouvert à une renégociation des termes de ce rachat, et notamment un prix supérieur« . Il souligne de même que les salariés qui souhaiteraient rester actionnaires pourraient le faire, via la SCIC ou une autre structure, à hauteur de 10 à 20% maximum.
Lors de l’annonce du patron de Free, l’autre candidat à la reprise des 34% de Nethys, Iskandar Safa, le magnat des chantiers navals, était en pleine présentation de son projet devant les salariés du journal.
– « Attention au mirage Niel » –
Cette annonce de l’homme d’affaires met a priori fin à un feuilleton débuté début mars avec l’ouverture d’une procédure de sauvegarde visant le journal, et ce à la demande de ses dirigeants, lassés des actionnaires belges de Nethys, qualifiés d' »absents« .
Au départ, c’est Iskandar Safa, très investi sur la Côte d’Azur, qui semblait tenir la corde pour succéder à Nethys. Mais les cartes ont été rebattues mi-juin, quand Xavier Niel a annoncé être entré en négociation exclusive avec Nethys. Un état de fait dont la direction de Nice-Matin a assuré le lendemain, le 17 juin, « ne pas avoir été informée« .
« Ce n’est pas la meilleure entrée en matière pour valider un nouvel actionnaire« , affirmait alors à l’AFP le PDG de Nice-Matin, Jean-Marc Pastorino: « Je n’ai qu’une seule offre en main (celle de M. Safa), pas deux« , insistait-il.
« Attention au mirage Niel, il faut rester prudent et obtenir des garanties« , avait réagi de son côté le SNJ, observant « une certaine forme d’enthousiasme au sein de la rédaction« : « Il est plus que temps d’arrêter le jeu de dupes (…) Les journalistes n’ont pas envie d’être manipulés par un camp ou l’autre« .
Dans son courrier de jeudi à Nice-Matin, M. Niel assure avoir contacté « directement » les dirigeants du journal dès la mi-janvier. Puis mi-juin encore. Et mardi une dernière fois: personne « n’a retourné nos appels, ni répondu à nos messages« , selon l’homme d’affaires.
A un an des élections municipales, avec un possible duel entre Christian Estrosi, le maire LR de la ville, et son ancienne éminence grise, Eric Ciotti, la prise de contrôle de Nice-Matin est scrutée attentivement sur la côte d’Azur.
Déjà candidat à la reprise de Nice-Matin en 2014, avec d’autres partenaires, M. Safa est lié à la famille Leroy, qui dirige la mairie de Mandelieu-La Napoule depuis près de 25 ans et incarne l’aile dure de la droite LR, la tendance du député Ciotti. M. Niel, lui, est souvent présenté comme proche d’Emmanuel Macron. M. Estrosi, étiquetté « Macron-compatible« , a encore appelé les Républicains début juin à travailler dans des « coalitions avec la majorité présidentielle« .