Un peu plus d’un mois après avoir clôturé son OPA sur Lagardère (propriétaire d’Hachette) le groupe contrôlé par la famille Bolloré veut par cette cession répondre aux inquiétudes de l’antitrust européen. Vivendi va notifier son projet de cession auprès de Bruxelles lors du mois de septembre.
La mégafusion envisagée par certains entre Hachette et Editis, les numéros un et deux du marché français de l’édition, n’aura pas lieu. Jeudi, Vivendi a en effet annoncé qu’il étudiait un projet de revente en intégralité d’Editis, dont il avait l’acquisition en 2018 pour 830 millions d’euros. Cette cession se ferait via une introduction en Bourse du groupe d’édition. Une annonce qui intervient un peu plus d’un mois après que le groupe contrôlé par la famille Bolloré a clôturé son OPA sur le groupe Lagardère (à qui appartient Hachette) et dont il détient aujourd’hui 57,35 % du capital.
En l’état, un groupe consolidé Hachette-Editis n’aurait eu aucune chance de franchir l’étape de l’antitrust à Bruxelles. En cause : leur part de marché cumulée qui serait par trop élevée sur certains segments du marché français de l’édition et de la diffusion-distribution comme le scolaire, le parascolaire ou encore le poche. Dans le détail, Vivendi va notifier son projet de cession d’Editis, en septembre, à la Commission européenne.
« Nous souhaitons procéder à une opération de distribution-cotation analogue à celle que nous avions mis en place pour Universal Music Group, détaille Arnaud de Puyfontaine le président du directoire de Vivendi. Avec ce montage, l’opération devrait être rapide tout en assurant la pérennité d’Editis et sans bousculer les équilibres concurrentiels du marché français de l’édition », poursuit-il, avant de préciser qu’ « une vente par appartements aurait trop affaibli Editis ». Le groupe Bolloré, qui contrôle 29,5 % du capital de Vivendi, recevra 29,5 % d’Editis mais s’engage à céder cette participation.
Recevoir le feu vert de Bruxelles
La prochaine étape pour Vivendi dans ce dossier va être de recevoir le feu vert de Bruxelles concernant son projet de revente. Un aval qui va dépendre de la qualité et de la pertinence du prochain actionnaire de référence que présentera à la Commission européenne Vivendi.
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« Ce doit être une société solide financièrement avec un projet de long terme. Des banques vont être mandatées pour trouver des repreneurs correspondants à ce profil qui ne sera ni un fonds de Private Equity ni un industriel français de l’édition car cela pourrait bousculer l’équilibre concurrentiel du secteur de l’édition et ralentirait l’opération, souligne Arnaud de Puyfontaine qui espère pouvoir trouver un actionnaire de référence « dans le courant de l’automne ».
Si Bruxelles donne son blanc-seing au montage proposé, le groupe pourrait procéder à la cotation, qui est prévue sur Euronext Paris, dans un délai de trois à quatre mois ensuite. Ce qui situerait sans doute l’opération en fin d’année ou au début de 2023.
« Construire un acteur mondial de l’édition »
Reste que Vivendi aurait pu tenter de procéder un dépeçage très clinique et limité d’Editis et muscler encore Hachette sur le marché français avec des maisons comme Plon ou Robert Laffont, des noms prestigieux de la littérature générale ne pesant « que » quelques millions ou petites dizaines de millions de revenus à l’année.
« Nous avons bien sûr envisagé ce scénario mais cela aurait nécessité plus de temps et créé plus de complexité et d’incertitude. Notre priorité est que cette opération soit une réussite », explique Yannick Bolloré, le président du Conseil de Surveillance d’un Vivendi qui passerait, à la faveur de cette opération, de propriétaire du numéro deux français et 19ème mondial de l’édition avec Editis, au statut d’actionnaire de référence du numéro un hexagonal et surtout trois mondial du secteur derrière Pearson et le leader Bertelsmann (Penguin Random House).
Seule légère ombre au tableau pour Vivendi : les temps ne sont guère propices pour une opération boursière, tant les conditions de marché se sont détériorées ces dernières semaines. Pas sûr donc que le groupe s’en tire avec une prime lors de l’éventuel futur IPO d’Editis. Mais l’essentiel est ailleurs pour Vivendi qui espère pouvoir bientôt regarder loin devant et au-delà des seules frontières hexagonales. « Notre priorité est de construire un acteur mondial de l’édition, note Yannick Bolloré. Et on ne s’interdit pas de regarder des dossiers de rachats pour renforcer encore notre position à l’international »
Lire : Les Echos du 28 juillet