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Un vaste jeu de chaises musicales se prépare dans l’édition française

Stable depuis des années, le marché des transferts pourrait s’agiter dans les prochains mois pour les éditeurs de littérature générale. Explications.

Même en plein Saint-Germain-des-Prés, il faut se méfier de l’eau qui dort. Ces dernières semaines, les éditeurs n’ont pas fait que préparer la prochaine rentrée littéraire ou attendre l’issue de l’interminable feuilleton du rachat d’Hachette (leader du secteur en France) par Vivendi, qui a dû se délester d’Editis (numéro deux du marché tricolore) pour des raisons concurrentielles ; un montage qui vient de recevoir le blanc-seing, sous conditions, de Bruxelles .

« Tous mes éditeurs ont été contactés récemment mais sans succès », confie le patron d’une maison de littérature générale bien connue de la place. Il est loin d’être le seul dans ce cas de figure. Si la production de l’édition française ne va pas forcément bouger car elle est dictée par la demande, un jeu de chaises musicales se prépare que certains n’hésitent pas à qualifier de potentiellement sans équivalent dans l’histoire du secteur tricolore.

« On pressent que la tectonique des plaques pourrait vraiment bouger dans quelques mois. Et pas que chez les éditeurs, les attachés de presse et autres sont aussi très démarchés en ce moment, confie une éditrice. Ce qui tranche avec les pratiques du secteur. L’édition est par définition un marché relativement statique avec beaucoup de maisons historiques, des éditeurs qui les incarnent et les dirigent parfois depuis des décennies ».

Un mercato figé par l’OPA

Ces dernières années, les « gros » transferts d’éditeurs dans la littérature générale n’ont effectivement pas été la norme et se comptent sur les doigts d’une main : Karine Hocine, le tandem Mialet-Barrault , Sophie de Closets qui ont tous rejoint la maison Madrigall (Gallimard, Flammarion). Et parmi eux, seule la dernière a changé de crémerie durant la séquence de l’OPA de Vivendi sur Lagardère qui a figé le mercato.

« Chez Hachette et Editis, tout le monde attend de voir ce qui va se passer, quelle va être la direction stratégique, tout particulièrement chez Hachette avec Bolloré aux manettes. Cela n’aurait pas de sens de partir maintenant. Mais si dans quelques mois, ils voient qu’on leur cherche des poux tous les quatre matins, certains n’hésiteront pas à sauter le pas s’ils ont une belle offre ailleurs, souligne un expert du secteur. Et puis, il ne faut pas oublier qu’il y a la question de la succession qui va se poser chez Gallimard, qu’il y a des interrogations sur ce que va faire SCOR d’Humensis après le décès de Denis Kessler, qu’Actes Sud rencontre des difficultés économiques… Tout cela peut créer un contexte très propice au mouvement ».

« Une denrée rare »

Un fait est certain : les éditeurs à la tête d’une maison d’édition de littérature générale reconnue et en bonne santé économique vont être les plus courtisés sur le marché. La raison ? « C’est comme en Formule 1, ne recruter qu’un pilote n’est pas la meilleure solution pour une écurie. Mieux vaut embaucher un directeur d’équipe qui embarque avec lui un pilote qui a confiance en lui et les trois ingénieurs clés, compare un éditeur. C’est pareil avec un éditeur, ses écrivains qui lui sont fidèles et les autres personnes de son équipe et c’est un aspect que les propriétaires des groupes d’édition ont désormais bien en tête ».

Autre explication à la cote prise par ce type de profil : la traditionnelle loi de l’offre et de la demande. « Les éditeurs très bons en littérature générale et capable de tenir les finances d’une maison sont une denrée rare, d’autant qu’il y a un problème de génération puisqu’il y a peu de « quinquas » et encore moins de « quadras » arrivés à ce niveau, expose un éditeur. Donc, tout le monde se focalise sur les valeurs sûres. Et le mouvement va partir par le haut puis s’étendre car les éditeurs sont très liés entre eux. Chez Grasset, si Pierre Nora venait à partir, il y a des chances qu’une Juliette Joste fasse ses valises peu de temps après ».

 

Lire : Les Echos du 9 juin

 

Jean-Philippe Behr

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