Le média en ligne faisait partie de l’empire Gawker. Pour doper ses revenus, le fondateur de Keleops, Jean-Guillaume Kleis, compte lui appliquer la même recette qu’à Presse-Citron ou à 01Net : développer l’affiliation.
Il est né à Strasbourg, il a 36 ans, la mine radieuse, et il vient d’annoncer le rachat du site d’information américain Gizmodo, le 5 juin à New York. Jean-Guillaume Kleis est un patron de presse discret, mais ambitieux. Cet Alsacien qui réside près de Zurich, bâtit depuis 2016 un groupe international de médias en ligne. Sa société Keleops, également implantée en Suisse, ne pèse que quelques dizaines de millions d’euros, mais elle est profitable, grâce à une recette marketing efficace.
Son expertise à lui, c’est le marketing digital. Le diplômé de l’EM Lyon et ex-trader a créé Keleops en 2014. Il y a d’abord testé toute la batterie d’outils numériques permettant à un site de toucher son audience et d’encaisser des revenus liés à cette dernière. Son projet : investir dans le rachat de médias en ligne et y faire fructifier son savoir-faire.
Sa première prise a été le petit site d’information français Presse-Citron, en 2018. « On a énormément investi, et en dix-huit mois, on est passés de 1 à 5 millions de visiteurs », se félicite-t-il. « Ca a permis de valider le concept : le choix du gratuit, combiné avec trois sources de revenus, les bannières publicitaires, le brand content [publireportage, NDLR], l’affiliation », poursuit-il.
L’affiliation pèse la moitié des revenus
Dans ce cocktail, l’affiliation pèse à peu près la moitié des revenus. Par exemple, des rédacteurs vont réaliser un comparatif des banques en ligne et insérer un lien vers un site bancaire en particulier. Chaque clic ou bien chaque ouverture de compte engendrera des revenus pour le média.
Puis Keleops a acheté iPhon.fr en 2019, Journal du geek en 2021, 01Net (à Altice) en 2022 – avec des déclinaisons au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Turquie. Gizmodo est le premier achat américain. « Je cherchais une marque forte, dans la tech, avec une grosse ancienneté, des contenus de qualité et un levier de monétisation via l’affiliation », raconte-t-il.
Assurément, Gizmodo répond à ces critères. Dans les années 2000, ce blog devenu un site d’information et l’un des joyaux du groupe Gawker faisait référence sur l’actualité technologique, scientifique et la cybersociété. Quand l’empire Gawker a éclaté en 2016, à la suite d’un procès, Gizmodo a été revendu à Univision, qui l’a ensuite cédé à la firme de private equity Great Hill Partners.
Une première étape avant d’autres achats américains
Pourquoi privilégier l’affiliation ? « La publicité est sur une pente descendante vertigineuse en termes de revenus pour mille pages vues », justifie l’entrepreneur, qui l’explique notamment par la concurrence des réseaux sociaux et des influenceurs.
En comparaison, le marché de l’affiliation croît, car « l’annonceur sait pour quoi il paie ». De plus, observe-t-il, bien des médias n’ont pas encore développé pleinement son potentiel, notamment ceux qui externalisent ces prestations et ne peuvent donc pas les optimiser. A l’opposé, l’équipe qui gère le « marketing de la performance » pour tous les médias de Keleops constitue le centre névralgique de l’entreprise.
« L’information est traitée de façon objective et les équipes éditoriales sont indépendantes », assure Jean-Guillaume Kleis, interrogé sur le risque de mélange des genres et d’appauvrissement de la qualité. Et les publireportages sont rédigés par une équipe distincte des rédactions, ajoute-t-il.
L’achat de Gizmodo est « une première étape », dit-il. « Jusqu’à présent, toutes nos acquisitions ont été réalisées en fonds propres, mais si une belle opportunité se présente, on pourra ouvrir le capital à un industriel ou à un fonds », explique Jean-Guillaume Kleis, qui aimerait bien avaler « encore un ou deux » médias en ligne américains.
Pascal Lenoir
