Le gouvernement veut mettre en vente le magazine « 60 millions de consommateurs », en difficulté depuis plusieurs années. Créé il y a 54 ans, le titre fonctionne sans publicité et a vocation à informer le consommateur.
Il y a un an, « 60 millions de consommateurs » allait déjà mal. UFC-Que Choisir avait alors fait part au précédent gouvernement de son intérêt pour reprendre le titre. Aucune réponse n’avait été donnée. Cette semaine, il s’apprête à réitérer son approche auprès de la nouvelle secrétaire d’Etat à la Consommation, Laurence Garnier, qui a déclaré vouloir vendre « 60 millions de consommateurs ».
« Nous sommes prêts à nous intéresser à une reprise du magazine », affirme aux « Echos » Jérôme Franck, directeur général d’UFC-Que Choisir. N’ayant pas pu avoir accès aux documents financiers de « 60 millions de consommateurs », le patron de presse n’a pour l’heure pas formulé d’offre chiffrée.
Un nombre d’abonnés presque divisé par deux
Cette nouvelle intervient alors que la rédaction de « 60 millions de consommateurs » est encore sous le choc de l’annonce de la vente de leur magazine. Les élus du personnel avaient sollicité un entretien à Laurence Garnier qui leur a appris vendredi, contre toute attente, que le gouvernement souhaitait vendre le titre. « Il y a six mois encore, le gouvernement s’engageait à nous soutenir », affirme Bertrand Loiseaux, secrétaire du CSE de « 60 millions de consommateurs ». Mais ça, c’était avant la dissolution et la recherche d’économies.
« La pérennité du titre passe par un repreneur professionnel et expert du secteur, capable notamment d’investir dans le numérique et d’impulser une nouvelle stratégie marketing et commerciale », a précisé à l’AFP le cabinet de Laurence Garnier, qui a pris note de la baisse du nombre d’abonnés, passés de 140.000 en 2019 à 76.000 en 2024. Le titre accuse environ un million d’euros de déficit en 2023.
Créé en 1966, l’Institut national de la consommation (INC), qui héberge « 60 millions de consommateurs », est un établissement public à caractère industriel et commercial. Sa mission : informer les consommateurs et promouvoir une consommation responsable. Pour ce faire, il a été doté d’un centre d’essais comparatifs de produits et services, d’un département d’études juridiques et économiques, et d’une publication pour diffuser ses résultats. Une cinquantaine de salariés y travaillent, dont une vingtaine de journalistes.
Stratégie défensive
En 2011, le gouvernement avait une première fois voulu vendre le titre, avant de s’engager à sa relance. Mais depuis, le soutien ne s’est guère fait sentir. Entre 2012 et 2020, la subvention allouée à l’INC est passée de 6,3 millions d’euros à 2,7 millions d’euros. En 2023, une nouvelle situation de crise a éclaté. Au premier semestre, l’ancienne secrétaire d’Etat Olivia Grégoire avait pourtant validé en accord avec Bruno Le Maire un plan de « rebond ». « Je déplore amèrement que l’arbitrage que j’avais pu obtenir n’ait pas été maintenu », a-t-elle déclaré.
De son côté, le CSE ne croit plus dans les scénarios avec subventions, et voudrait que le titre soit considéré comme un service public à part entière et financé comme tel. L’option repreneur privé ne les convainc pas beaucoup plus. « L’indépendance de notre magazine ne peut se faire avec la publicité, et quel groupe privé se priverait de pub ? », interroge Bertrand Loiseaux.
Finalement, c’est son principal concurrent qui s’y intéresse, lui aussi sans pub et détenu par des associations de consommateurs. Ce rachat tiendrait davantage d’« une stratégie défensive », explique Jérôme Franck chez UFC-Que Choisir. « Compte tenu de la proximité de nos deux marques, on ne voudrait pas qu’un repreneur privé s’en serve de boîte à clic, et abîme par ricochet notre image. »