S’éloignant des modèles de Gibert ou des bouquinistes, le marché du livre d’occasion s’est transformé ces dernières années sous l’impulsion des plateformes de vente en ligne. Un essor continu qui risque de bouleverser les équilibres de la filière du livre.
Que serait Paris sans les boîtes vertes des bouquinistes, qui constituent la plus vaste librairie à ciel ouvert du monde ? La polémique suscitée par la décision de la préfecture de Paris de les obliger à déménager durant les Jeux olympiques de 2024 témoigne de l’attachement à ce métier traditionnel. C’est cependant bien loin des quais de Seine, et des odeurs de vieux livres qui embaument les librairies de seconde main, que se joue aujourd’hui une grande partie du théâtre de l’occasion.
En 2022, internet représente en effet un livre d’occasion acheté sur deux. Et 60 % des acheteurs d’occasion le citent comme principal canal d’approvisionnement, révèle une étude inédite de la Sofia et du ministère de la Culture (« Le marché du livre d’occasion », 2022-2023) dont les premiers résultats ont été dévoilés en avril.
État des lieux
Hormis une « note de cadrage » du ministère de la Culture publiée en 2017, et des publications universitaires comme celles de Vincent Chabault, ce secteur restait jusqu’alors peu documenté. « Pendant de nombreuses années, on s’est très fortement intéressés au marché du livre numérique, qui évolue finalement assez faiblement, et plus récemment au livre audio », retrace Geoffroy Pelletier, directeur de la Sofia, un organisme de gestion collective administré à parité par les auteurs et les éditeurs. « Nous avions en revanche très peu d’informations récentes sur le livre d’occasion, et des chiffres farfelus commençaient à circuler… Il y a environ un an et demi, l’ensemble de la profession et le ministère ont donc souhaité faire un état des lieux », poursuit-il.
Un intérêt accru chez tous les acteurs de la filière, au vu notamment du changement de paradigme induit par l’arrivée des plateformes de vente en ligne. « Avant qu’elles ne s’en saisissent, c’était un marché assez confidentiel – mis à part quelques acteurs emblématiques comme Gibert – et peu structuré », explique Bertrand Legendre, directeur scientifique de l’étude. La deuxième révolution du secteur sera peut-être impulsée par les plateformes opérant en CtoC, à l’image de Vinted ou Leboncoin, qui tendent à gagner en importance et massifient l’offre en captant les bibliothèques des particuliers.
Loin d’être anecdotique, le marché de l’occasion représentait ainsi 350 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 (+49 % en 5 ans), soit 9 % du marché de l’édition, affichant depuis dix ans une croissance régulière et plus soutenue que celle du marché du neuf…
Lire la suite : Livres Hebdo du 17/10/23