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Quand l’IA remplace déjà des traducteurs et des illustrateurs

Au Royaume-Uni, un quart des illustrateurs et plus d’un tiers des traducteurs ont déjà perdu une partie de leur business à cause de l’IA. Si les auteurs utilisent eux-mêmes l’intelligence artificielle, ils craignent qu’elle ne s’approprie leur travail sans contrepartie.

Dans certains métiers, les craintes liées à l’intelligence artificielle générative se réalisent déjà. Au Royaume-Uni, la Société des auteurs (SoA), le plus grand syndicat d’écrivains, illustrateurs, traducteurs littéraires et journalistes a interrogé en janvier dernier ses membres sur leur usage de l’IA et son impact sur leur travail.

Les conclusions sont sans appel : un quart des illustrateurs et plus d’un tiers des traducteurs ont déjà perdu une partie de leur business à cause de l’IA. En conséquence, respectivement 37 % et 43 % déclarent avoir vu leurs revenus baisser ces derniers mois.

En réalité, « les inquiétudes concernant l’impact de l’IA générative sur les carrières créatives concernent des groupes d’auteurs qui subissent déjà une perte de travail ou une dévalorisation de leur travail en conséquence directe des nouvelles technologies », explique la Société des artistes.

Dévalorisation du travail « humain »

Concrètement, cela induit que des entreprises demandent déjà à l’IA générative de traduire ou d’illustrer leurs contenus et publicités pour économiser le prix d’un prestataire humain. Dans la publicité, les exemples ne sont pas rares : la marque de sous-vêtements Undiz ou le fabricant de spiritueux Martini ont réalisé des campagnes entières créées à l’aide de l’IA. Dans la presse, plusieurs journaux utilisent déjà des modèles pour traduire leur contenu dans une autre langue.

Si les résultats sont à prendre avec prudence, cette étude étant fondée sur les déclarations de 800 participants, ils montrent tout de même à quelle vitesse l’IA change la donne dans le milieu de la culture. Une problématique soulevée depuis des mois par les artistes et auteurs dans le milieu littéraire, mais aussi musical ou du cinéma. Au total, la Société britannique des auteurs révèle que huit personnes sur dix « craignent que l’utilisation de l’IA générative ne dévalorise le travail créatif humain. »

L’épineuse question des droits d’auteur

Les auteurs dans leur ensemble sont aussi particulièrement inquiets par ce qui pourrait advenir de leur travail passé : l’IA doit-elle leur payer des royalties ? L’immense majorité des répondants (86 %) sont préoccupés par le fait que leur style, leur voix ou leurs créations soient utilisés, transformés ou reproduits à titre gratuit par l’IA. Le sujet des droits d’auteur agite lui aussi l’ensemble du monde artistique et culturel. L’année dernière, les productions hollywoodiennes ont été bouleversées à cause d’ une grève des scénaristes et des acteurs , craignant de se voir remplacés par l’IA, de plus en plus performante à mesure que les mois passent.

Ainsi, les auteurs demandent presque tous (à plus de 90 %), que les autorités prennent le sujet à bras-le-corps et introduisent des garanties et une réglementation adéquate pour recevoir des compensations financières. Ils réclament aussi que leur consentement soit demandé lorsque l’IA utilise leur travail, et estiment qu’il faut à tout prix afficher clairement quand un contenu est généré par l’IA dans un souci de transparence pour le consommateur.

Pas réfractaires

Néanmoins, si de plus en plus de Britanniques utilisent l’IA – 22 % de la population d’après une récente étude du BCG – la proportion est exactement la même chez les illustrateurs et traducteurs inscrits à la Société des artistes. Un sur cinq utilise l’IA dans son travail, et cela monte même à 37 % pour les traducteurs. Elle est utilisée à la fois pour créer, mais aussi pour trouver des idées, expliquent les professionnels.

« Si l’IA générative peut être utile à certains créateurs, il est urgent d’agir et de s’engager en faveur du consentement, de la rémunération et des mesures de transparence, en envoyant un message sans ambiguïté aux développeurs, aux gouvernements et à l’industrie pour qu’ils respectent les droits des créateurs humains », avance le syndicat.

En mars, un rapport de l’Institut de recherche sur les politiques publiques britannique concluait à la disparition de 8 millions d’emplois outre-Manche à cause de l’intégration de l’IA dans les entreprises, alors que le gouvernement pousse les feux pour faire de Londres un hub dans le domaine.

 

Lire : Les Echos du 15 mai

 

Jean-Philippe Behr

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