Une coalition de médias européens, dont l’allemand Axel Springer et le belge Roularta, demande à Google 2,1 milliards d’euros de dommages et intérêts. Les plaignants accusent le géant américain de comportements anticoncurrentiels dans ses offres publicitaires en ligne.
Google est encore une fois dans le collimateur des médias. Plus de 30 médias européens, dont l’allemand Axel Springer et le belge Roularta, se sont ligués pour porter plainte devant un tribunal d’Amsterdam contre les pratiques qu’ils estiment anticoncurrentielles du géant américain en matière de publicité en ligne. Les plaignants accusent le groupe de biaiser le marché en favorisant ses propres services.
Ces médias actifs dans 17 pays européens réclament à Google 2,1 milliards d’euros de dommages et intérêts, selon un communiqué publié mercredi par le cabinet d’avocats Geradin Partners, implanté à Bruxelles, Londres et Amsterdam et qui porte cette action en justice aux côtés d’un autre cabinet, le hollandais Stek.
Antitrust français
Ils appuient leur démarche notamment sur une décision de l’antitrust français de 2021. A l’époque, Google avait écopé d’une amende de 220 millions d’euros et – pour la première fois de son histoire – avait consenti à une procédure de transaction avec une autorité de concurrence, renonçant donc à en contester les griefs et à faire appel.
Plus précisément, l’Autorité de la concurrence (ADLC) française avait estimé que Google abusait de sa position dominante avec des traitements préférentiels en faveur de son serveur publicitaire et d’AdX, sa plateforme SSP (là où sont organisées les enchères des espaces publicitaires). Dans le cadre de cet accord à l’amiable, le géant américain avait consenti à corriger en France les pratiques incriminées et avait même indiqué vouloir apporter certaines modifications ailleurs dans le monde.
Pertes colossales
Mais aujourd’hui, 32 éditeurs européens – à la fois des géants comme Axel Springer (« Bild », Politico…) et un certain nombre de médias locaux – estiment que les comportements illégaux de Google continueraient depuis dix ans, leur causant des pertes colossales. « Si Google n’avait pas abusé de sa position dominante, les entreprises de médias auraient reçu des revenus publicitaires significativement supérieurs en payant des commissions plus faibles pour les services d’adtech, attaquent-ils. De manière cruciale, ces ressources auraient pu être réinvesties pour renforcer le paysage médiatique européen. »
Des accusations récusées vigoureusement par le géant américain. « Cette action en justice est spéculative et opportuniste, s’insurge Oliver Bethell, le directeur juridique de Google. Nos outils publicitaires, ainsi que ceux de nos nombreux concurrents dans le secteur de l’Adtech, aident des millions de sites Web et d’applications à financer leurs contenus, et permettent aux entreprises de toutes tailles d’atteindre efficacement de nouveaux clients. »
Enquêtes en cours
Pour étayer leur plainte, la trentaine de médias rappelle aussi les griefs d’abus de position dominante émis en juin dernier par la Commission européenne contre Google – auxquels le géant de la tech a apporté des réponses – ainsi qu’une enquête en cours au niveau de l’antitrust britannique et des poursuites du gouvernement fédéral américain contre le groupe dirigé par Sundar Pichai, toujours pour des accusations de monopole dans le domaine de l’adtech, les technologies qui permettent d’acheter et vendre de la publicité en ligne.
Meta, propriétaire de Facebook et Instagram, est un autre portail du Net visé actuellement par les éditeurs pour son comportement dans la publicité en ligne. Les journaux espagnols l’attaquent en effet en justice pour concurrence déloyale. Ils réclament 550 millions d’euros en compensation du préjudice subi. L’accusation est conduite par l’association des éditeurs de presse (AMI), qui représente près de 90 titres espagnols parmi lesquels les plus importants du pays, comme « El Pais », « La Vanguardia », « El Mundo » et « ABC », ainsi que les groupes de presse régionale. Ils dénoncent une infraction « systématique et massive » à la norme européenne de protection des données, « durant la période comprise entre le 25 mai 2018 et, au moins, le 31 juillet 2023 ».
Pour Google, qui soutient opérer dans un marché très concurrentiel, la mère de toutes les batailles devant les tribunaux reste toutefois le procès en monopole sur le marché de la recherche Internet (le search) qu’il affronte aux Etats-Unis. Après la phase des témoignages à l’automne dernier, les plaidoiries finales sont prévues pour 2024.
Lire : Les Echos du 29 février