Le principal distributeur de la presse chez les marchands de journaux va être à court de trésorerie dans deux semaines. Il paraît certes impossible pour l’Etat de le lâcher en cette période de crise, mais les éditeurs de presse actionnaires doivent d’abord s’entendre pour une restructuration.
Presstalis, le principal distributeur des journaux et magazines dans les quelque 22.000 points de vente de France (kiosques, marchands de journaux…), se retrouve à nouveau menacé de liquidation et ce au moment où la presse vit une de ses plus graves crises en raison du coronavirus.
S’il n’est pas question de lâcher cette société car cela priverait des Français très en demande d’informations en ce moment, l’Etat, qui a déjà versé plusieurs centaines de millions sous forme de soutiens divers, n’acceptera d’apporter son appui indispensable à une restructuration que si les actionnaires parviennent à s’entendre. Ce qui n’est pas gagné : l’écart entre les demandes des deux actionnaires principaux, la coopérative des magazines (73 % des parts) et celle des quotidiens (27 %), étant encore important.
Un dépôt de bilan devait intervenir le 26 mars, la société ayant accumulé les pertes chroniques à la baisse de la diffusion de la presse. Cédric Dugardin, le président de Presstalis , a décidé de le reporter, car « une procédure aurait entraîné une liquidation de toute la filière au pire moment », dit-il. Mais le groupe n’a qu’une ou deux semaines de trésorerie. Si les discussions avancent bien, il peut obtenir une rallonge de l’Etat et tenir quatre semaines.
17 millions dus aux marchands de journaux
Le groupe doit dans l’immédiat 17 millions aux points de vente, qui l’an dernier avaient été payés mi-avril. Mais il a aussi accumulé des retards dans ses versements aux éditeurs et traîne une ardoise vis-à-vis d’eux de plus de 100 millions, soit un niveau anormalement élevé (sachant qu’une partie résulte de l’activité normale de la messagerie). La dette vis-à-vis de l’Etat dépasserait quant à elle les 100 millions (chiffres 2018).
Sous la houlette du Comité interministériel de restructuration industrielle et d’Hélène Bourbouloux, désignée auprès du tribunal de commerce depuis la conciliation entamée il y a plusieurs mois, l’idée est de résoudre le problème de trésorerie, mais aussi de trouver un plan crédible de poursuite de l’activité.
Des coupes dans les effectifs, qui pourraient toucher plus ou moins 500 personnes, sont à craindre. L’idée est de couper Presstalis en deux sociétés, une messagerie proprement dite (relations éditeurs, gestion de flux financiers, etc.) et un prestataire logistique basé à Bobigny (préparation des palettes et distribution). Enfin, il faut organiser la sortie de Presstalis de ce qu’on appelle le « niveau 2 de la distribution », c’est-à-dire des quelques dizaines de dépôts dans le pays qui acheminent les journaux. Ceux-ci doivent pouvoir être tous indépendants et mutualiser leur activité avec le transport d’autres biens que la presse.
Réforme de la loi Bichet
Difficile cependant pour les éditeurs d’aider Presstalis en pleine crise sanitaire. Sans compter le bras de fer entre les magazines et les quotidiens, les premiers estimant, et ce depuis longtemps, payer pour les seconds dans le système actuel.
Visiblement, certains éditeurs de magazines voudraient faire sécession et s’organiser entre entreprises de presse ayant des intérêts communs. Cependant, cela n’épargne pas de trouver une solution pour Presstalis – et, en outre, la réforme de 2019 de la loi Bichet ne permet pas encore de libéraliser le secteur de la distribution de presse aujourd’hui organisé autour de coopératives.