En dix ans, la profession a perdu plus de 3.000 journalistes professionnels, soit 9% de ses effectifs. Une tendance liée à l’évolution de la profession et à sa précarisation, selon la commission qui attribue la carte de presse.
La Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP) a publié ses chiffres pour 2022. Chargée depuis les années 1930 d’attribuer leur carte de presse aux journalistes professionnels, elle n’en a délivré que 33.600 en 2022, soit environ 400 de moins que l’an dernier. Depuis dix ans, le nombre de cartes accordées a baissé de 9%. Une tendance liée à la « précarisation » du métier selon la CCIJP et aux évolutions du métier.
3.400 journalistes professionnels de moins en 10 ans
Le nombre de journalistes titulaires d’une carte de presse baisse régulièrement depuis 10 ans. Ils étaient 37.000 en 2012, et sont aujourd’hui 33.600, soit environ 3.400 de moins. « Il y a évidemment une précarisation du métier« , analyse Bénédicte Wautelet, présidente de la CCIJP. Il y a « beaucoup de pigistes et de journalistes qui sont payés sur facture ou en droits d’auteur et qui ne peuvent pas prétendre à une carte de presse, parce qu’il faut être salarié pour avoir une carte de presse« , explique-t-elle. Il faut par ailleurs justifier du fait que la moitié de ses revenus mensuels proviennent du journalisme. Selon Eurostat (le service de statistiques de la Commission Européenne), le nombre de journalistes en France s’élevait à 142.000 en 2020, au sens de la Classification internationale des types de profession. Bien loin des 34.000 titulaires d’une carte de presse.
Par ailleurs, certains salariés combinent au cour de leur carrière des activités journalistiques et de communication. « Or c’est une incompatibilité« , précise Bénédicte Wautelet. « Le journalisme c’est de l’information, pas de la communication. Autant, nous sommes très ouverts sur les supports – le journalisme se fait sur les réseaux sociaux – autant la communication sur les réseaux sociaux reste de la communication. »
De moins en moins de journalistes renouvellent leur carte de presse
En 2022, 31.600 journalistes titulaires de la carte de presse l’ont renouvelée, soit 500 de moins qu’en 2021. Globalement, la tendance est là aussi à la baisse depuis dix ans.
La présidente de la CCIJP constate une « évolution des mentalités » : « Aujourd’hui un journaliste va faire plusieurs choses dans sa vie. Peut-être évoluer vers des métiers de communication ou chercher de l’épanouissement dans d’autres professions. Ce n’est plus une fin en soi d’être journaliste toute sa vie« .
Un pic de journalistes professionnels en 2009
D’après l’Observatoire des métiers de la presse, qui regroupe les données de la CCIJP depuis 1975, le nombre de cartes de presse délivrées a augmenté de manière continue entre 1975 et 2009, où un pic de 37.500 cartes a été atteint, avant une nouvelle baisse. Selon Bénédicte Wautelet, « on peut attribuer ce pic à la crise de 2008 et aux nombreux plans de départ qui ont eu lieu dans la foulée. À l’époque, beaucoup de journalistes avec de l’ancienneté en ont profité pour partir dans le cadre de clauses de cession. » Cette clause permet à un journaliste de quitter son média tout en percevant des indemnités de licenciement, lorsque son entreprise est rachetée. Cela a eu lieu « à l’occasion de beaucoup d’opérations de concentration » des médias, précise Madame Wautelet.
Cette tendance à la baisse est-elle également le signe d’un désintérêt des journalistes pour la carte de presse ? « Je ne pense pas« , répond Bénédicte Wautelet. « Peut-être une méconnaissance » sur certains aspects.
Des « premières demandes » stables
Toutefois, le métier a toujours ses adeptes en début de carrière. Le nombre de « premières demandes » de carte de presse est en augmentation de 4,7% en 2022, et retrouve presque son niveau de 2012. Globalement, la tendance est stable sur dix ans, avec entre 1.500 et 2.000 nouvelles demandes par an. Un léger décrochage est visible en 2020, année de la pandémie de Covid-19.
« C’est très intéressant, je pense que c’est lié au fait qu’on se rend beaucoup dans les écoles pour que les journalistes demandent la carte de presse« , indique la présidente de la CCIJP. Elle juge en revanche « décevant » que seuls 16% sortent des écoles reconnues. « On peut imaginer que certains commencent sur facture ou en droits d’auteur, ou s’orientent vers d’autres professions. »
Une profession proche de la parité, mais pas aux postes de direction
Enfin, au sein de la profession, la parité continue de progresser. En 2022, un peu plus de 17.000 hommes et 16.000 femmes ont obtenu la carte de presse, ainsi que 88 personnes qui se sont déclarées « neutres ». » On dit que quand un métier se féminise, c’est un signe de précarisation. Et on voit qu’il y a de plus en plus de femmes « , constate Bénédicte Wautelet. Celles-ci sont majoritaires parmi les premières demandes de cartes de presse depuis plusieurs années, précise encore la CCIJP. Elles sont en revanche minoritaires parmi les renouvellements de cartes de presse (46%) et ne représentent que 20% des cartes de directeurs.
Lire : France Inter du 17 janvier