L’Assemblée nationale a adopté, ce mercredi soir, la proposition de loi « visant à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs ». Elle a pour but d’instaurer un tarif minimal de livraison pour la vente de livre en ligne et rééquilibrer la concurrence entre plates-formes de e-commerce et librairies indépendantes.
Face à la puissance des plates-formes d’e-commerce, les libraires vont sans doute pouvoir se battre à armes égales, ou au moins rééquilibrer un peu la balance. Ce mercredi soir, les députés ont largement adopté la proposition de loi « visant à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs ». Elle repart désormais au Sénat, où elle avait déjà été adoptée, en juin, après avoir été présentée par Laure Darcos, sénatrice (Libres !) de l’Essonne. La loi, que certains surnomment « loi anti-Amazon », vise principalement à instaurer un tarif minimal de livraison pour la vente de livre en ligne.
« Amazon, et d’autres grands groupes comme la Fnac ou Cultura, contourne l’obligation de facturer la livraison, en pratiquant 0,01 euro de frais de port, explique Géraldine Bannier, député (LREM) de la Mayenne, rapporteuse de la loi à l’Assemblée. Les librairies, petites et indépendantes, ne peuvent pas pratiquer un tarif aussi bas. De fait, il est moins cher d’acheter un bouquin chez Amazon que sur le site d’un libraire indépendant. » Cela revient, aux yeux de la parlementaire, à contourner la « Loi Lang », en vigueur depuis 1981, qui a instauré le prix unique du livre.
Ce tarif, fixé par arrêté, s’appliquera dans le courant de l’année prochaine
Instaurer un tarif minimal de plusieurs euros revient à équilibrer le rapport de force entre les librairies et les plates-formes d’e-commerce. « Nous allons réduire la distorsion de concurrence, assène encore Géraldine Bannier. Cela doit, aussi, favoriser l’expansion du « click and collect », qui continuera à être gratuit, en incitant les amateurs de livre à se déplacer en librairie plutôt qu’à payer des frais de livraison élevés. » Environ 20 % des livres vendus font l’objet d’une livraison à domicile.
Ce prix plancher, fixé par arrêté, sera proposé par l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), Bercy et le ministère de la Culture. Dans tous les cas, la mesure ne sera appliquée, au mieux, que dans le courant de l’année prochaine. « Il serait plus intelligent de négocier un tarif réduit pour l’envoi postal d’un livre, plutôt que de pratiquer un tarif plancher. Un petit libraire n’aura peut-être pas les moyens, malgré tout, de payer l’envoi », tance Marc Bordier, ancien d’Amazon, cofondateur et président de Lireka, nouvelle plate-forme spécialisée dans l’envoi de livre français à l’étranger… sans aucun de frais de port. Selon le Syndicat de la librairie française (SLF), l’envoi d’un ouvrage coûte entre 6,5 et 7 euros aux libraires.
La Fnac salue une mesure allant vers une « consommation plus responsable »
Directement visé par la mesure, Amazon, qui a été vivement critiquée pendant le confinement au printemps 2020 où ses ventes ont explosé, estime que la loi « pénaliserait la diffusion des livres sur notre territoire », écrit Frédéric Duval, son directeur France, dans une tribune diffusée à la presse ce mardi. « Plus de la moitié des livres achetés sur Amazon le sont par des habitants de communes de moins de 10 000 habitants, et plus du quart par des habitants de communes de moins de 2 000 habitants. Pour eux, l’achat en ligne est souvent la seule solution praticable, poursuit-il. (…) Si cette proposition de loi était adoptée, ils seraient confrontés à une alternative simple : lire moins ou bien subir une perte de pouvoir d’achat. »
La Fnac, elle, dit réitérer « son plein soutien » au texte qui constitue un pas vers une « consommation plus responsable et une action en faveur de l’environnement », puisqu’il vise à limiter les envois postaux. « Cette loi, conclut-on à la direction de la Fnac, constitue un compromis historique soutenu par l’ensemble des acteurs de la distribution de livres disposant de points de vente physiques. »
Lire : Le Parisien du 6 octobre