Extraite de plantes ou de papier, plus légère et résistante que l’acier, la nanocellulose constitue un matériau prometteur aux applications industrielles variées, même si les recherches se poursuivent pour préciser ses débouchés et améliorer sa rentabilité, selon des spécialistes du secteur.
« Un énorme potentiel : c’est le futur de l’emballage et de la cosmétique (…) Vous en aurez partout d’ici à moins de dix ans », affirme Karim Missoum, PDG d’Inofib, une start-up française issue du pôle de recherche Grenoble INP étudiant les applications possibles.
Une récente étude du cabinet de conseil EY pour le ministère français de l’Économie, menée avec les fédérations industrielles du papier et de la chimie, plaçait la nanocellulose parmi les solutions les plus encourageantes pour l’avenir de ces filières.
Son atout-clé : « La nanofibre de cellulose est cinq fois plus légère que l’acier et cinq fois plus résistante », indiquait ce rapport, publié par le pôle de prospective du ministère, vantant « l’ouverture vers de nouveaux marchés » pour les industriels du secteur.
De fait, les recherches s’intensifient depuis plusieurs années sur ce matériau de taille nanométrique (milliardième de mètre).
Ainsi, à Grenoble, le Centre technique du papier (CTP) et l’institut technologique FCBA travaillent depuis 2006 sur la production, puis sur les applications, en testant différentes matières de base (pâte à papier, poussière de découpe, résidus de l’industrie papetière), explique Michel Petit-Conil, qui dirige une équipe sur le sujet.
Le processus consiste à libérer des fibrilles de cellulose de la paroi de la fibre papetière, qui s’agglomèrent sous forme de gel. « La nanocellulose, c’est de la cellulose pure, c’est biodégradable, renouvelable, compostable, durable », souligne M. Petit-Conil.
Production énergivore
Les débouchés potentiels sont nombreux, en application de surface ou dans des mélanges (papiers et cartons, panneaux de bois, vernis, encres, cosmétiques).
Le laboratoire du CTP a ainsi développé une application de « lamination humide » pour les emballages, avec « un film 100 % nanocellulose qu’on dépose à la surface d’un papier ou d’un carton » pour en renforcer l’imperméabilité, explique M. Petit-Conil.
Mais l’objectif est maintenant de produire des nanocelluloses à très haute concentration, et de réduire la consommation énergétique liée à la fabrication, qui reste un enjeu majeur même si elle a été « réduite de façon drastique », ajoute-t-il.
La nanocellulose existe aussi sous une deuxième forme, les nanocristaux de cellulose, qui ont des propriétés différentes des fibrilles et se dispersent bien dans l’eau sans former de gel.
« Il y a des propriétés optiques qui ne sont possibles qu’avec les nanocristaux, qui forment des cristaux liquides » ou permettent d’obtenir « une couleur sans aucun colorant », explique Isabelle Capron, qui anime une équipe de recherche sur les nanostructures à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) de Nantes.
Reste la difficulté liée aux autorisations pour les nanomatériaux, notamment en France. « Mais pour tous les pays asiatiques, qui n’ont jamais eu de réglementation sur les nanocelluloses (…) ça se fait très bien », observe Mme Capron.
« Il y a un vrai boom, tant au niveau des brevets que des articles et de la production », ajoute-t-elle.
Le marché mondial de la nanocellulose est estimé à 285 millions de dollars et devrait plus que doubler pour atteindre 661 millions de dollars en 2023, selon le groupe canadien CelluForce, en pointe dans la production de cristaux de nanocellulose, qui se réfère à une étude indépendante.
Un vrai engouement
« Le produit est vraiment encore récent », mais « il y a un vrai engouement », confirme Karim Missoum, le PDG d’Inofib.
« En 2012, on était trois à vouloir essayer d’industrialiser ce produit. Fin 2018, ils étaient 63 producteurs à travers le monde, ça a pris un vrai essor », note-t-il.
Pour lui, « il y a vraiment une filière à créer, à industrialiser, et les acteurs français ont encore leur place sur le marché s’ils se motivent. Il y a encore du marché à prendre ».
Un groupe industriel français, Imerys, spécialisé dans les minéraux de haute performance, s’est quant à lui lancé dans la production de composés de microfibre de cellulose broyée avec ses minéraux.
Il a créé en 2016, avec le japonais Omya, une co-entreprise, baptisée FiberLean, pour fabriquer ce produit qui « ouvre un champ de possibilités et de marchés », selon le directeur de FiberLean Nicolas Mievilly. Une deuxième usine va bientôt démarrer en France, après des implantations aux États-Unis et en Inde.
Lire : L’Orient Le Jour du 19 octobre