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Paris après l’apocalypse : deux photographes manient l’IA pour une dystopie hallucinante

Romain Meffre, le fils de notre compagnon Wilfrid de Colorsource, avec son fidèle compère Yves Marchand, exposent à la galerie Polka.

Et si soudain, Paris la ville Lumière s’éteignait, rayée de la carte, vidée de ses habitants, telle la mégalopole déserte d’un empire déchu ? A la manière de Will Smith en dernier humain vivant, déambulant au coeur d’une New York de fin du monde dans Je suis une légende, Yves Marchand et Romain Meffre, traduisent dans Les Ruines de Paris, leur fantasme dystopique.

Explorant la ville et se jouant des symboles touristiques et culturels qui font l’image de la capitale, le duo de photographes spécialistes et précurseurs de l’urbex, nous plonge dans un décor post-apocalyptique, sorte de métaphore visuelle de notre inquiétude face à la généralisation des intelligences artificielles. Avec l’accélération du flux de transmission des données et le développement exponentiel de la puissance de calcul, ces technologies sont soudain devenues palpables, s’extirpant des domaines du dérisoire et de la science-fiction.

Tout comme les peintres du XIXe furent confrontés à l’apparition de l’invention photographique, cette réalité a déclenché chez Yves Marchand et Romain Meffre de nouvelles velléités créatives, dans la lignée de quelques explorateurs d’un genre nouveau : Louis-Cyprien Rials, Eric Tabuchi ou encore Brodbeck & de Barbuat. La machine devient un nouvel outil pour explorer le motif de la ruine et la représentation de sa destruction créatrice.

Lorsque qu’il y a plus de vingt ans, ils commencent à visiter des ruines, Marchand & Meffre passent rapidement de l’excitation de la découverte à un sentiment de sidération face à la qualité patrimoniale des édifices qu’ils découvrent à l’abandon. Comme les Becher devant les charbonnages néogothiques du nord de l’Europe ou Robert Polidori dans la vieille Havane, la photographie leur permet de se souvenir de « ce qui a été » (Roland Barthes) avant que ces ruines ne disparaissent, parfois réhabilitées, souvent démolies.

Entre pastiche et exercice de style, l’IA permet au duo de réaliser le fantasme de voir Paris quand elle ne sera plus, en avant-première. Vérifiant du même coup l’hypothèse de l’essayiste américain Alan Weisman dans Homo disparitus (2007) qui s’intéresse aux conséquences, notamment en termes d’infrastructures, d’une brutale disparition de l’espèce humaine sur la planète Terre…

« Lorsque nous sommes tombés sur les premières images convaincantes générées par IA fin 2022, nous sommes restés un temps incrédules. Suffisait-il de “prompter” quelques mots pour obtenir des images plus vraies que nature ? Le problème, c’est que l’imagination nous conduit souvent au même endroit. Et que la génération par IA nous expose à une infinité de choix qu’il faut contraindre… Il faut savoir précisément où l’on va, tout en le cherchant avec flexibilité. »

Et ce n’est que le début. « Il n’est pas forcément facile pour un photographe d’identifier une bonne lumière, mais il est en réalité encore plus difficile de la reproduire artificiellement » ajoutent Marchand & Meffre. Pour faire exister ce projet, il leur a fallu produire plus de 52000 images, soit une moyenne de 650 générations pour l’obtention d’une image, sans compter celles modifiées et réinjectées dans Midjourney, les leurs, qui servaient souvent de référence esthétique ou architecturale. Ainsi que celles par la suite recomposée sur Photoshop après extrapolation.

Grâce à la puissance de synthèse visuelle de l’IA, Marchand et Meffre livrent dans leurs Ruines de Paris leurs capricci, ces vues d’après nature chères aux maitres flamands et vénitiens, d’un Paris qu’on connaît trop bien. Comme Hubert Robert, grand artiste de l’imaginaire poétique et conservateur de ce qui allait devenir le musée du Louvre, peignant en 1796 au soir de la Révolution, les ruines de la Grande Galerie du musée, à peine celle-ci aménagée.

« Tout cela était quand l’IA répondait à nos demandes, ajoutent Marchand & Meffre. Il était parfois difficile d’obtenir des images qu’elle ne pouvait “concevoir” n’étant pas suffisamment encore entrainée pour comprendre certains paradoxes. » Tels qu’une piscine vide, sans eau. Ou bien un Moulin Rouge, archétype de Paris, mais sans ses ailes… « Nous avons passé une nuit à essayer de “prompter” la machine pour délabrer et casser les ailes du pauvre moulin : “broken wings”, “dilapidated wings”… En vain.

C’était dans nuit du 23 au 24 avril 2024. Vingt-quatre heures plus tard, nous découvrions au matin, avec un frisson nous parcourant l’échine, que la presse titrait “Le célèbre Moulin Rouge a perdu ses ailes, tombées durant la nuit”. Avait-on ouvert la boîte de Pandore ? »

Les ruines de Paris

Du 8 novembre 2024 au 18 janvier 2025

Galerie Polka • 12 Rue Saint-Gilles • 75003 Paris

www.polkagalerie.com

Lire : sur le site de la galerie

Lire : l’article de Beaux-Arts Magazine

Jean-Philippe Behr

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