La poésie tellurique d’un slameur, les phrases d’une écrivaine dont la langue ne possède pas le mot « écrire », ou encore un texte d’abord destiné aux seuls enfants de l’auteure : toutes ces singularités s’expriment au sein d’une maison d’édition québécoise tout aussi unique, Mémoires d’Encrier. Née en 2003, cette structure « du goût du monde » lancée par le poète Rodney Saint-Éloi, à présent accompagné par l’écrivaine Yara El-Ghadban, porte une ambition : donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.
Inaugurée il y a près de 20 ans, Mémoires d’Encrier a fait du chemin depuis ses débuts dans le petit appartement d’un passionné du verbe venu d’Haïti. Près de 400 titres plus tard, signé de figures comme Dany Laferrière, Alain Mabanckou ou encore Louis-Philippe Dalembert, et une reconnaissance qui dépasse le simple continent américain, l’éditeur a réuni des auteurs et amis dans le 14e arrondissement de Paris. L’occasion de revenir sur une belle aventure tournée vers le dialogue entre les cultures, et l’écoute de l’autre.
« J’étais écrivain-éditeur en Haïti, et quand je suis arrivé à Montréal en 2001, je me suis demandé : comment m’inscrire au mieux ici. La réponse, c’était continuer à faire ce que je savais faire, écrire et éditer », nous raconte Rodney Saint-Eloi. Une passion du métier, des compétences, mais également un constat : on ne parlait pas assez des « personnes racisées », comme « s’il s’agissait des gens de seconde catégorie ». Natif de Port-au-Prince, il publiera alors des auteurs haïtiens avec l’ambition de les imposer dans l’épicentre du monde littéraire nord-américain. Le poète Davertige sera le premier nom du catalogue…