Le milliardaire franco-libanais derrière « Valeurs Actuelles » a retiré son offre de reprise du quotidien régional, également convoité par Xavier Niel, le fondateur de Free. Il veut éviter une longue bataille juridique.
Coup de tonnerre dans le feuilleton pour la reprise de « Nice Matin ». Le milliardaire franco-libanais derrière « Valeurs Actuelles » Iskandar Safa jette l’éponge. Il renonce au rachat du quotidien régional, a annoncé le PDG de « Nice Matin » en comité d’entreprise, confirmant une information du « Figaro ». Celui-ci ne pouvait maintenir son offre « dans une entreprise divisée », a précisé à l’AFP le SNJ.
Depuis quelques semaines, le titre du sud de la France fait l’objet d’une bataille acharnée entre Xavier Niel, qui a déjà acheté les 34 % que possédait le belge Nethys dans le titre, et le propriétaire de « Valeurs actuelles », sur fond de divisions entre salariés.
« Nous risquions de devoir subir une bataille juridique pour l’actionnariat qui aurait pu durer des années. Ensuite, les relations sociales au sein de l’entreprise sont très difficiles ce qui rend le redressement très compliqué. Et cela ne date pas d’hier, explique Francis Morel, président du directoire de Privinvest Média (le groupe d’Isakandar Safa) et ancien directeur des « Echos ». Récemment, nous sommes entrés dans la chaîne Azur TV (une chaîne locale privée dans le sud de la France, NDLR) dans laquelle nous allons investir. Et nous avons d’autres projets dans la presse écrite. Nous préférons nous concentrer sur d’autres projets plutôt que de nous battre. »
Pacte d’actionnaires
Pour que Iskandar Safa mette la main sur « Nice Matin », il aurait, en effet, fallu « casser » le pacte d’actionnaires, prévoyant un droit de priorité au minoritaire, en l’occurrence Xavier Niel. Et, le patron de « Valeurs Actuelles », qui avait déjà tenté de racheter le titre régional en 2014, aurait également dû convaincre tous les salariés, en particulier les journalistes…
Lors d’une assemblée générale mi-juillet, les salariés actionnaires du quotidien avaient voté à plus 60 % en faveur du projet d’Iskandar Safa. Plus précisément, ce dernier a été soutenu par le personnel administratif et technique, notamment, alors que les journalistes ont, eux, largement plébiscité Xavier Niel. « Je ne voulais pas être un facteur de clivage dans l’entreprise, alors que les conditions ont changé », explique Iskandar Safa, par le biais d’un porte-parole, qui souligne avoir été approché par la direction de « Nice Matin » au départ. « La décision d’Iskandar Safa de se retirer est cohérente dans sa prudence financière », observe Jean-Clément Texier, banquier d’affaires spécialiste de la presse.
Le champ libre à Xavier Niel
De fait, cette annonce laisse le champ libre à Xavier Niel, le fondateur de Free, déjà implanté dans la presse (« Le Monde », Le Nouvel Obs, Telerama) pour racheter le solde des 66 % détenus par les salariés actionnaires du journal. Celui-ci pourra donc acquérir « Nice Matin » en totalité au plus tard début 2020.
Derrière cette bataille d’actionnaires, c’est un duel politique qui se profile. Même s’il s’en défend, Xavier Niel, réputé proche d’Emmanuel Macron, est soupçonné de faire le jeu de Christian Estrosi, le maire de Nice, à un peu moins d’un an des Municipales. Celui-ci, LR mais ouvert à La République En marche, voudrait éviter que « Nice-Matin » passe dans l’escarcelle du propriétaire de « Valeurs actuelles » plus compatible avec son opposant, Eric Ciotti, représentant de l’aile droite de LR.
NJJ, holding personnelle de Xavier Niel, s’est engagé à conserver le contrôle du groupe pendant cinq ans, et a promis d’investir au total plus de 50 millions.
Lire : Les Echos du 29 juillet