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Milee, le fiasco qui a abouti au plus grand plan de licenciement de l’année

Près de 10.000 employés du spécialiste de la distribution de prospectus Milee (ex-Adrexo) ont perdu leur emploi, après la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise début septembre. Plusieurs centaines d’entre eux ont manifesté devant Bercy mardi.

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La chute a été longue, l’atterrissage brutal et il commence à faire du bruit. Depuis la mise en liquidation judiciaire du spécialiste de la distribution des prospectus prononcée le 9 septembre par le tribunal de commerce de Marseille, les 10.000 employés du groupe Milee (ex-Adrexo) ont perdu leur emploi. « C’est l’un des plus grands plans de licenciement en France depuis 40 ans », souligne Sébastien Bernard, délégué syndical central CGT chez Milee.

Une casse sociale que sont venus dénoncer plusieurs centaines d’ex-salariés mardi 8 octobre, dans une manifestation organisée devant le ministère de l’économie en présence notamment de la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet et du secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. Pour la majorité à temps partiel et rémunérés entre 500 et 600 euros par mois selon la CGT, ces employés (qui pour les deux tiers occupent un deuxième emploi ou complétaient ainsi leur pension de retraite) réclament le paiement de leurs derniers salaires, l’obtention des attestations de travail nécessaires pour l’inscription à France Travail et des mesures de reclassement. Une délégation a été reçue au ministère dans la foulée.

L’affaire a pris une tournure politique. Le ministre l’Industrie, Marc Ferracci, a été interpellé par la députée LFI-NFP Zahia Hamdane sur le sujet à l’Assemblée nationale. Dans la soirée, Marine Le Pen a également dénoncé sur X la situation « dramatique » des employés de Milee.

Fiasco des élections de 2021

Cette spectaculaire débâcle constitue l’épilogue d’une longue descente aux enfers. Le secteur de la distribution d’imprimés publicitaires est en déclin structurel. Le nombre d’imprimés publicitaires a été presque divisé par 2 entre 2019 et 2023, selon des chiffres de La Poste rapportés par l’AFP.

Cette baisse tendancielle, liée à la numérisation de la communication, a été accélérée par la flambée du prix du papier post-Covid, qui a dissuadé certains annonceurs de recourir aux imprimés, et par la loi Climat et Résilience de 2021. Celle-ci a instauré une expérimentation dans 14 territoires, par laquelle seuls les habitants qui apposent un autocollant Oui pub sur leurs boîtes aux lettres reçoivent des imprimés publicitaires. Dans ce contexte, certains grands annonceurs ont tout simplement renoncé à ce mode de communication, comme Leclerc, au nom de la lutte contre le gaspillage.

Le principal concurrent, Mediaposte (filiale de La Poste), a aussi souffert, mais Milee n’a pas brillé pour se sortir de l’ornière. En 2021, l’entreprise, qui opérait encore sous le nom d’Adrexo, est chargée par l’Etat de la distribution de la propagande électorale pour les élections départementales et régionales. De nombreux électeurs ne reçoivent aucune profession de foi. « Les taux de non-distribution des plis au second tour des élections départementales et régionales dans les zones gérées par Adrexo s’élèvent respectivement à 27 % et 42 % », pointe un rapport de l’Assemblée nationale, qui dénonce aussi « de sérieuses incohérences » dans les reportings d’Adrexo, voire des « statistiques fantaisistes ». Le fiasco provoque la résiliation du contrat par l’Etat.

De mal en pis

Un an plus tard, en 2022, le holding Hopps Group, qui détient l’entreprise depuis 2017, tente de lui ouvrir un nouveau chapitre en la rebaptisant Milee. Un repositionnement vers la communication locale « plurimédia » est amorcé, mêlant communication physique, digitale, conseil, datas et monitoring de la performance, selon un communiqué de Hopps. Un magazine sur le pouvoir d’achat est aussi lancé en 2023. « Des bonnes idées, il y en avait, mais pas d’investissement derrière », regrette Sébastien Bernard.

La situation tourne rapidement au vinaigre. En mars 2024, Milee annonce l’arrêt de l’activité de distribution de prospectus publicitaires, en prévision de la possible extension nationale du dispositif Oui pub, et lance un plan social qui vise d’abord 3.500 postes. Ce chiffre grimpe ensuite à plus de 5.000, soit la moitié des effectifs, après le placement en redressement judiciaire de l’entreprise le 30 mai.

Le plan n’a pas le temps d’arriver à son terme et tous les employés connaîtront finalement le même sort. Début septembre, l’offre de reprise par un consortium comprenant les groupes Diffusion Plus, Paragon et Riccobono, qui prévoit le maintien d’environ 2.000 emplois, n’est pas jugée convaincante par le tribunal. Les juges estiment qu’elle ne « remplit pas les conditions légales, notamment en raison des conditions suspensives » exprimées et d’engagements attendus de la part l’Etat. Ils préfèrent mettre un point final à l’histoire de Milee.

 

Lire : Les Echos du 10 octobre

 

Jean-Philippe Behr

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