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« Marianne » et « L’Obs » font des paris opposés pour raviver le créneau des « newsmags »

Les deux « newsmagazines » lancent leurs nouvelles formules ce jeudi, avec des stratégies aux antipodes l’une de l’autre. Alors que « Marianne » baisse son prix de vente, le « Nouvel Obs » – ainsi renommé pour l’occasion – poursuit quant à lui un chemin de « premiumisation ».

Sur un créneau des « newsmagazines » très challengé, deux titres cherchent un renouveau. Jeudi, « Marianne » et « L’Obs » – qui pour l’occasion se renomme « Le Nouvel Obs » – sortent leurs nouvelles formules mais suivent des recettes opposées.

Pour les « newsmagazines », le contexte est rude et ces deux titres n’y échappent pas. L’an dernier, ils ont subi l’inflation des coûts de production. Ils font aussi face à la baisse des ventes en kiosque, à un marché publicitaire compliqué, et aux défis de rajeunir leur audience et combler leur retard sur le numérique. Or, souligne le banquier d’affaires spécialiste des médias Jean-Clément Texier, « en France, il y a beaucoup trop d’acteurs sur un marché extrêmement petit et qui se réduit ». D’autant que, selon « Le Figaro », Vincent Bolloré songerait à lancer un nouvel hebdomadaire d’actualité qui viendrait concurrencer les quatre historiques : « Le Point », « L’Express », « L’Obs » et « Marianne ».

Marché challengé

Du côté de « Marianne », propriété de l’entrepreneur tchèque Daniel Kretinsky, la diffusion payée a résisté en 2023 (-1,3 % sur un an à 129.000 exemplaires moyens, selon l’ACPM), mais le papier souffre, avec des ventes en kiosque en baisse de 15 % et des abonnements papier en recul de 13 %. Les abonnements en ligne restent rares (12.000 selon « Marianne »), la distribution numérique par tiers amortissant la chute de la diffusion.

Pour « L’Obs », déficitaire en 2023 après trois ans de profits, la situation n’est guère plus favorable. Malgré ses 20.000 abonnés numériques, sa diffusion payée a chuté de 7,4 % en 2023 par rapport à 2022, à 190.000 exemplaires en moyenne, selon l’ACPM. Les ventes en kiosque ont fondu de 18 %, à 13.500 exemplaires en moyenne, et l’érosion des abonnements papier continue.

Selon sa directrice générale, Julie Joly, le recul de la diffusion de « L’Obs » – contrôlé par les mêmes actionnaires que ceux du « Monde » – vient cependant surtout d’une politique assumée d’« assainissement » du portefeuille d’abonnés (sortie de Cafeyn, fin des offres « filleul » , quadruplement du prix des premiers abonnements en ligne, etc.).

Stratégies opposées

Pour remonter la pente, les deux titres empruntent des chemins opposés. Chez « Marianne », considérant que l’ambition de « tout raconter » ne correspond plus aux usages, la directrice de la rédaction, Natacha Polony, fait le pari du « less is more ». « Le problème de nos lecteurs n’est pas de ne pas avoir assez d’info, mais trop », juge-t-elle.

Quitte à rétrécir la place réservée aux annonceurs, « Marianne » passe de 88 à 52 pages. « Nous offrons à nos lecteurs un journal plus concentré, avec des petits papiers donnant un suivi synthétique d’un sujet, à côté de grands papiers d’enquête, de révélation et de décryptage », résume-t-elle. L’effectif restant stable – 55 journalistes, SR et dessinateurs -, les énergies se redéploient en ligne (parution « Web first », vidéos, podcasts, etc.).

Guerre des prix

Fait inhabituel dans le secteur, le prix de « Marianne » baisse de 20 %, à 3,50 euros. Un tarif presque deux fois inférieur à celui de « L’Obs », qui a augmenté son prix en début d’année (+10 %, à 6,50 euros). Avec ces mesures, « Marianne » espère revenir à l’équilibre, où le journal n’était plus ces dernières années, selon Natacha Polony.

« L’Obs », qui redevient « Le Nouvel Obs » ce jeudi, veut aussi redevenir rentable, mais applique une stratégie de « premiumisation » tout en réaffirmant son positionnement progressiste et en misant toujours – que ce soit pour sa version papier ou en ligne – sur une richesse éditoriale produite par 135 journalistes (effectifs stables depuis 2019). Le journal maintient d’ailleurs aussi sa pagination et son grammage intacts.

Qualité des contenus

Se voulant lieu de débat et d’approfondissement plutôt que de polémique, la nouvelle formule de « L’Obs » aura notamment une partie « newsmag » et une autre plutôt lifestyle et culture, qui se déclineront à la fois pour la version papier et en ligne grâce à une « homepage » aux codes couleurs modulables en fonction de la tonalité des articles. La nouvelle appli suivra en septembre, pour un investissement total de 600.000 euros dans la refonte numérique (la moitié étant financée par le Fonds stratégique pour le développement de la presse).

« L’écriture, la force du récit et la mise en image restent les marques de fabrique d’un ‘newsmag ‘ », nous faisons un travail d’orfèvre, explique Julie Joly. La qualité de nos contenus doit justifier le prix. Si ce que nous faisons n’a pas de valeur marchande ni pour les annonceurs ni pour les abonnés, cela voudrait dire qu’on s’est trompé ! »

 

Lire : Les Echos du 20 mars

 

Jean-Philippe Behr

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