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Livres : les frais fixes à 3 euros pour protéger les libraires sont « une fausse bonne idée » et nuisent « à la lecture », selon le DG d’Amazon France

La firme américaine est historiquement spécialisée dans la vente en ligne de livres et Frédéric Duval, directeur général d’Amazon France, vient commenter les frais de port fixe à 3 euros, mis en place en France, il y a un an, pour favoriser les librairies physiques.

Avec Amazon, tout ce que vous voulez acheter en un clic est livré chez vous en un rien de temps. Les frais de port sont minimes et même réduits à néant pour les abonnés Prime, sauf pour les livres, et c’est une spécificité française. Des frais de port de 3 euros ont été introduits il y a un an tout juste, pour protéger les librairies physiques. Un an après, on fait le point avec Frédéric Duval, directeur général d’Amazon France.

franceinfo : Est-ce que ces frais ont nui aux ventes en ligne de livres ?

Frédéric Duval : Ce que je peux vous dire, c’est que cette mesure des frais de port obligatoire est une fausse bonne idée. Elle pénalise les lecteurs, elle pénalise la lecture et en particulier les compatriotes qui sont dans les campagnes.

Et elle pénalise Amazon ?

Non, je vous assure. Et Amazon dans cette histoire n’est pas n’est pas le problème. Le problème est : est-ce qu’on a envie de pénaliser la lecture en France ?

Mais ça signifie que les ventes de livres ont baissé sur Amazon depuis un an ?

Très peu. Et à nouveau, Amazon n’est pas le problème. Mais, soyons factuels : un livre de poche qui vaut 7,50 euros, dans une des 90% de communes où il n’y a pas de librairie, vaut 10,50 euros désormais. Et une enquête Ifop, que nous venons de commissionner auprès de 12 000 Français, montre qu’environ six personnes sur dix disent que cette mesure a affecté leur pouvoir d’achat, et qu’environ quatre personnes sur dix disent qu’elle va réduire sa consommation de livres en conséquence. Parce qu’elles ne peuvent plus, ou tout du moins n’ont plus les moyens d’acheter des livres qui ont augmenté fortement.

Ça reste un sondage que vous avez commandé vous-même. Dans les chiffres, les ventes ont-elles vraiment baissé sur Amazon concernant les livres ?

Ce problème n’est pas le problème de fond. Le problème de fond, à nouveau, c’est la lecture en France.

C’est justement pour cela que cette mesure a été mise en place par le président de la République Emmanuel Macron, pour défendre les librairies physiques et notamment indépendantes ?

Quand ils se retournent vers les enseignes physiques, où vont-ils ? Ils vont dans les grandes enseignes culturelles, dans les grandes surfaces pour 70% d’entre eux.

Donc ça ne favorise pas les librairies indépendantes.

Très peu en fait. C’est une mesure qui est une fausse bonne idée, qui finalement affecte la lecture, qui affecte les lecteurs et qui ne répond pas à l’objectif principal qui était celui de favoriser les libraires.

Vous dénoncez donc cette mesure, un an après sa mise en place.

Je dis qu’aujourd’hui, ce n’est pas le choix que j’aurais fait pour protéger les libraires et protéger les lecteurs. Il existe d’autres moyens, qui ont été mis en place dans d’autres pays, comme un tarif spécial d’expédition des livres permettant aux libraires d’expédier des livres sur le territoire à des prix réduits.

Mais vous savez très bien qu’il n’y a qu’Amazon qui expédie des livres à l’étranger, pas les libraires indépendants.

Mais oui, avouez que c’est cocasse, de pouvoir expédier un livre normal, un Gallimard classique, pour 1,66 euros à Londres et de ne pas pouvoir expédier ce même livre à ce tarif-là, mais pour un tarif plutôt autour de 7 euros quand on l’expédie à Clermont-Ferrand ou une autre ville de province.

D’ailleurs, vous avez porté cette affaire en justice. La justice administrative doit encore trancher. Est-ce que vous espérez obtenir gain de cause ?

On a effectivement déposé un recours devant le Conseil d’État, parce que sur le principe, nous sommes contre pénaliser la lecture et les lecteurs en France. Le Conseil d’État a demandé son avis à la Cour de Justice de l’Union européenne, qui va rendre son avis. En attendant, aujourd’hui, la lecture est pénalisée en France.

Autre actualité chez Amazon : le retour à du 100% présentiel et la fin du télétravail. Ce sera à partir du 1er janvier. Ce sera le cas pour les 24 000 salariés français ?

Effectivement, Andy Jassy, notre CEO, a annoncé le 16 septembre que nous allions revenir à l’organisation qui était celle d’avant la pandémie de Covid. C’est important de le dire aujourd’hui : sur les 24 000 salariés français, seulement 10% environ d’entre eux sont concernés par cette mesure, puisque les autres viennent tous les jours sur le lieu de travail. Donc, en ce qui concerne cette petite catégorie, on pense que c’est important d’être ensemble pour innover, pour collaborer, pour être suffisamment connectés et vraiment adhérer à notre culture d’entreprise, pour servir les clients. Je ferais juste un petit parallèle. Que penserait-on d’un groupe de musique qui s’entendrait seulement à distance ? Ce n’est pas possible.

Mais il peut y avoir un juste milieu ?

Andy Jassy a expliqué qu’il y aurait de la flexibilité, mais nous souhaitons revenir à la situation que nous connaissions avant le Covid.

Sauf que vous avez embauché. D’ailleurs, vous continuez d’embaucher en 2024. Il y a des gens qui habitent loin et qui ne vont pas pouvoir venir au siège tous les jours. Il y a aussi un accord d’entreprise qui a été signé en France. Comment allez-vous vous accommoder de cela ?

Comme toute entreprise française, on va mettre tout ça avec les réglementations en vigueur en France, et en discutant avec les différents partenaires pour faire en sorte qu’effectivement, on applique cette mesure.

À partir du 1er janvier, les personnes concernées par le télétravail aujourd’hui seront donc obligées de revenir au travail. Une enquête interne, que s’est procurée le magazine Fortune aux États-Unis, dit que cette mesure est diversement appréciée au sein d’Amazon. Que répondez-vous aux salariés d’Amazon qui nous écoutent ?

Je dis que c’est important qu’on soit ensemble, pour inventer, pour collaborer. C’est important qu’on soit suffisamment connectés les uns aux autres pour faire en sorte que notre culture d’entreprise perdure et continue de servir nos clients.

Même si les modes de travail et les modes de vie ont évolué depuis. On ne peut pas revenir à la vie d’avant.

On peut quand même avoir dans l’intention de collaborer ensemble beaucoup plus qu’on ne le fait aujourd’hui. On a 24 000 salariés aujourd’hui en France, et 400 métiers différents. Et on doit continuer à vivre ensemble. D’ailleurs, c’est ce qu’on va faire à l’occasion du Forum des métiers et des carrières, le 21 octobre à la station F, qu’on fait en collaboration avec France Travail. Avec tous nos salariés et tous ceux qui veulent, on va voir comment on peut intégrer nos salariés dans une démarche de progrès, de développement. Et on va aussi proposer plus de 100 offres d’emploi.

Dernière question, alors que la présentation du budget est attendue ce jeudi. Il y est question de mettre pour les grandes entreprises une surtaxe à partir d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Vous serez donc concernés, sachant que votre chiffre d’affaires s’est élevé à 10 milliards en 2022. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Ce que j’en pense n’est pas très important. Ce que je peux dire, c’est que, évidemment, en tant qu’entreprise française, on appliquera les décisions qui seront prises par le gouvernement, quand on saura ce qu’elles seront. En revanche, on est très attentifs à l’attractivité des territoires et la fiscalité en fait partie.

Ça peut remettre en cause l’attractivité des territoires ?

Je pense qu’on a démontré sur les dix dernières années, au travers de 20 milliards d’euros d’investissements, au travers d’être le premier créateur d’emplois nets en France, au travers de notre investissement de 1,2 milliard qu’on a annoncé à Choose-France et 3000 emplois supplémentaires, qu’on était résilient et qu’on était une entreprise française bien implantée et qu’on allait continuer à l’être.

 

Lire : FranceInfo du 7 octobre

 

Jean-Philippe Behr

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