Selon le décompte de la société Trendeo, les relocalisations ont atteint un niveau record l’an dernier, tout comme les créations d’emplois industriels. Malgré ces bons résultats, l’industrie française perd du terrain face à ses concurrents européens. Pour inverser la tendance, la plupart des candidats à la présidentielle proposent de baisser les impôts de production des entreprises.
A deux jours du scrutin présidentiel , c’est une photo qui va donner le sourire au camp macroniste. L’état des lieux réalisé pour l’année 2021 par la société Trendeo confirme le retour d’une dynamique positive dans l’industrie, après le creux de 2020 lié à la pandémie de Covid. Il met aussi en évidence les effets du plan France relance, lancé en septembre 2020, dont un tiers de l’enveloppe de 100 milliards d’euros est consacré à l’industrie.
Selon le pointage réalisé par Trendeo à partir d’articles de presse, 87 sociétés ont ramené des activités dans l’Hexagone l’an dernier, un record. Les créations d’usines ont, elles aussi, augmenté : 176 projets d’ouvertures ont été recensés, soit trois fois plus que le nombre de fermetures de sites industriels (56). Zalando, le spécialiste de la vente de chaussures sur Internet construit un deuxième entrepôt, Sanofi va créer un centre dédié à l’ARN messager, le constructeur automobile Stellantis investit dans son site de La Janais pour produire son SUV électrique….
Toutes les régions en profitent
L’emploi industriel profite naturellement de cette tendance avec 32.155 créations nettes de postes annoncées l’an dernier (en tenant compte de l’emploi intérimaire), bien plus nombreuses que les 16.000 destructions nettes d’emplois répertoriées en 2020, quand la crise sanitaire battait son plein. « Il s’agit de la meilleure année pour l’emploi industriel depuis 2009 », souligne Trendeo. Toutes les régions en profitent.
« Ces résultats sont encourageants », estime David Cousquer, fondateur du cabinet d’études qui évalue à près de 66.740 les créations d’emplois industriels entre 2016 et 2021. Selon lui, plusieurs facteurs ont contribué à soutenir le retour des usines sur le territoire national : l’attrait du « Made in France » pour le public, la prise de conscience du risque de rupture des chaînes d’approvisionnement, et aussi le soutien de l’Etat.
Ralentissement
La moitié des projets de relocalisation et 15 % des créations de sites répertoriés ont bénéficié du plan de relance. D’où la crainte exprimée par Trendeo de voir les relocalisations et les ouvertures d’usines ralentir une fois le plan mis en oeuvre. Des signes apparaissent déjà avec la baisse constatée au premier trimestre 2022 : seuls neuf projets de relocalisation ont été relevés.
Le président de France Industrie, Alexandre Saubot, se garde d’ailleurs de crier victoire. « Il y a certes un mieux. Mais les soldes entre relocalisations et délocalisations et ouvertures et fermetures d’usines restent faibles, observe-t-il. Il faut que la tendance se prolonge dans la durée si on veut que l’industrie pèse davantage dans le PIB ».
« Cela augmente plus vite en Allemagne »
Plusieurs signes témoignent de l’ampleur du chemin à parcourir. En sortie de crise, la production industrielle reste en deçà de 5 % de son niveau de fin 2019 du fait des difficultés de l’automobile et de l’aéronautique. L’industrie tricolore perd du terrain face à ses concurrents européens.
« Le nombre de projets industriels en France augmente, mais nous ne rattrapons pas notre retard. Cela augmente plus vite en Allemagne », alerte Olivier Lluansi, associé chez PwC Strategy &. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « La part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière française dans celle des pays de la zone euro est passée de 14,7 % en 2019 à 14,2 % en 2020 et 13,9 % en 2021 », rappelle dans une étude récente l’institut Rexecode.
Baisse des impôts de production
Devant le retard français, la réindustrialisation est devenue un enjeu de la campagne présidentielle. Le thème figure dans tous les programmes. D’Emmanuel Macron à Marine Le Pen en passant par Valérie Pécresse ou Eric Zemmour, plusieurs candidats à l’Elysée proposent une nouvelle baisse des impôts de production pour réduire l’écart de compétitivité avec les autres pays.
De fait, ces impôts représentent encore 3,1 % du PIB en France, contre 1,5 % en moyenne dans la zone euro et 0,5 % en Allemagne. Pour pallier l’écart, France Industrie, comme le Medef, demande 35 milliards d’euros d’allègements supplémentaires pendant le prochain quinquennat en plus de la réduction de 10 milliards par an décidée par l’exécutif en 2020.
« La France a retrouvé sa compétitivité en termes de coût du travail, elle doit encore améliorer sa compétitivité fiscale », insiste Olivier Lluansi. Selon lui, l’amélioration de la compétitivité hors coût est un enjeu « au moins aussi important » pour relancer l’industrie en France. « Des sujets comme la territorialisation de la formation pour que les compétences soient disponibles localement, la difficulté à trouver du foncier industriel, la complexité administrative et la durée des procédures ne font l’objet d’aucune discussion de fond. Ils ont été trop peu abordés, et pendant le quinquennat qui s’achève et pendant la campagne ».