Les Américains lui ont volé des clients.
Pendant que Marquis Imprimeur était obligé de fermer, ses compétiteurs aux États-Unis opéraient encore
Marquis Imprimeur est fin prêt à relancer ses presses. Il ne lui manque que des contrats et des travailleurs.
« Depuis quelques jours, on a le droit d’opérer. Dans le fond, ce qui me manque, ce sont des employés qui vont accepter de revenir et des ventes. Je suis dans ce mode-là. Il faut qu’on séduise nos clients et nos employés ! » raconte au Journal Serge Loubier, PDG de Marquis.
L’entreprise de Montmagny est le plus important imprimeur de romans au Canada. Ses activités ont chuté de plus de 60 % en raison de la pandémie. La sortie de la plupart des livres qui devaient paraître ce printemps a été reportée à plus tard – parfois en 2021. Environ 250 des 600 salariés de Marquis se sont retrouvés au chômage.
« L’un de nos gros problèmes, c’est qu’aux États-Unis, tout le monde a continué à rouler, souligne M. Loubier. Nos compétiteurs là-bas ont donc mangé dans notre boîte à lunch. […] On espère que nos clients qui se sont tournés vers nos compétiteurs ne tomberont pas en amour avec eux ! Il faut que je les convainque de revenir. »
L’opération de reconquête des clients de Marquis sera particulièrement importante pour l’imprimerie de Louiseville, dont 55 % de la production est exportée au sud de la frontière.
« J’ai dit à mes vendeurs : “il faut que vous me rentriez des ventes” ! » glisse Serge Loubier.
Effets pervers de l’aide d’Ottawa
Mais une fois que les contrats seront signés, il faudra des travailleurs pour les livrer. Or, en ces temps troubles, les employés plus âgés et bien des parents doivent rester à la maison.
« On a de la misère à rappeler notre monde, constate M. Loubier. Il y en a qui ne veulent pas venir. » Sans oublier les effets pervers de la prestation d’urgence d’Ottawa.
« Mes plus bas salariés, j’ai de la misère à les convaincre qu’ils ne sont pas mieux à faire leurs 2000 $ chez eux », affirme le patron. Certains oublient que la prestation est imposable.
« On respecte ça, on est compréhensifs, assure-t-il. C’est juste qu’à un moment donné, si on ne peut plus opérer la business parce que le monde ne veut pas venir, je ne sais pas comment on va s’y prendre. »
Cela dit, Serge Loubier est bien conscient des risques. Un salarié de 58 ans de la filiale de Marquis à Toronto a contracté le virus et a passé plus d’une semaine aux soins intensifs, dont trois jours et demi branché à un respirateur. « Il a failli mourir ! » s’exclame-t-il.
Pour rassurer les employés, la direction leur a envoyé des photos des mesures mises en place dans les imprimeries pour favoriser la distanciation sociale. On prend la température des travailleurs à leur arrivée et plusieurs panneaux de plexiglas ont été installés.
« On leur dit “on lave plus blanc que blanc, n’ayez pas peur, venez-vous-en !” Mais c’est une grande responsabilité sur le dos des employeurs. Je vais me sentir comment si je convaincs quelqu’un de venir travailler et qu’il attrape la COVID ? Dans ma vie, je n’ai jamais engagé du monde pour les rendre malades ! » lance M. Loubier.
L’entrepreneur prévoit que les activités de Marquis reviendront à la normale en septembre. Par contre, les dommages financiers se prolongeront bien au-delà.
« C’est comme si on avait perdu trois ans de croissance », calcule-t-il.
Lire : Le Journal de Montréal du 25 avril