Pas de projets stratégiques et trop peu d’investissements. Des salariés, délégués syndicaux et élus du CSE, de l’imprimerie ligugéenne disent leur inquiétude quant à l’avenir de leur entreprise. De son côté, le directeur général souligne la bonne santé financière de son entreprise.
« Aubin est une belle entreprise avec un vrai savoir-faire et des salariés compétents qui connaissent bien leur métier », confient, réunis autour de la table, Alain Palvadeau, délégué CGT, Maud Geeroms-Cousin, déléguée CFE-CGC et Aurélien Bigot, tous trois élus au Comité social et économique (CSE) de l’imprimerie ligugéenne, assistés de Patrick Chatet, secrétaire général de l’Union départementale CGT du syndicat du livre. S’ils se sont décidés à parler à la presse, c’est qu’ils sont inquiets quant à l’avenir de leur entreprise. « Voilà plus de deux ans que nous interpellons notre direction. Elle ne semble pas avoir de projets stratégiques, il y a peu d’investissement et le matériel est vieillissant. Nous espérons qu’elle entendra notre message. »
Issue d’un atelier de moines bénédictins fondé en 1891, l’imprimerie passe ensuite, pendant plus d’un siècle, aux mains de la famille Aubin dont elle prend le nom. Vendue en 2007 au groupe européen CPI, elle est de nouveau cédée en décembre 2013 à un cadre de l’imprimerie venu de l’extérieur, Hugues Montézin.
« Il faudrait une vision globale »
Spécialisée dans l’impression de livres noir et couleur, de catalogues professionnels, de magazines haut de gamme et dans la sous-traitance pour les cartonniers, l’entreprise compte aujourd’hui 125 salariés.
« Nous étions environ 300 lors de la vente de 2007 et 180 en 2013. Sept salariés ont été licenciés pour motifs économiques en 2020. Nous savons que le contexte n’est pas favorable dans notre secteur et que le marché se tend. » Et les « Aubin » de rappeler la place du papier qui s’amenuise, sa réputation « pas écolo, alors qu’il peut être recyclé sept fois » mais aussi toutes les impressions désormais réalisées trop souvent à l’étranger.
« Nous tirons la sonnette d’alarme depuis un petit moment. Chez Aubin, il n’y a pas de projet à court terme, pas d’anticipation et un problème de positionnement sur le marché. Il faudrait une vision plus globale, une étude stratégique sur le développement des marchés et sur les investissements nécessaires. C’est le travail de la direction de faire vivre et fructifier l’entreprise. »
Reste la désagréable impression que cette dernière s’appauvrit (1) et perd ce qui fait sa richesse. « Tant technique, qu’humaine. 50 % des salariés ont plus de 50 ans. Et nous avons eu, cette année, un vrai trou d’air avec des périodes d’activités très creuses. » Aubin a ainsi connu trois fermetures en 2023, possibles via le jeu des congés. « Derrière tout ça, il y a des hommes et des femmes. On a peur d’aller droit dans le mur alors que, tous, nous avons envie de porter et de faire vivre notre entreprise. »
(1) En 2022, Aubin imprimeur a réalisé un chiffre d’affaires de 25.771.100 € (37,5 millions en 2007 et 30 millions en 2012).
« La reprise n’est pas encore amorcée »
« Le marché de l’imprimerie en 2023 est marqué par une baisse des tirages et une concurrence accrue, suite notamment à l’arrêt de l’impression des catalogues par la grande distribution, et ce, dans un contexte inflationniste qui impacte des postes d’achat importants (papier, énergie…). Et si le pic de l’inflation semble derrière nous, la reprise de l’activité n’est pas encore amorcée », réagit Hugues Montézin, directeur général d’Aubin imprimeur.
Et le gérant de préciser « La solidité financière d’Aubin issue d’une gestion prudente ces dernières années, meilleure que celle de ses concurrents, nous donne les moyens de rebondir. Dans ce contexte économique très négatif, je tiens à souligner que nous avons d’une part réalisé 900.000 € d’investissement machine cette année et d’autre part, intégralement remboursé notre Prêt garanti par l’État (PGE) en juin 2023, et nous nous attachons à conserver la confiance de nos clients et partenaires commerciaux. Nous avons également construit durant le premier semestre 2023 le plan Horizon 2025 dont les objectifs principaux ont été présentés à l’ensemble des salariés en septembre 2023 afin d’exposer la stratégie définie par le comité de direction. Par ailleurs, nous échangeons avec le CSE tous les mois. »
Lire : La Nouvelle République du 5 décembre