L’Occident souffre d’un manque d’automatisation, pas d’un excès
“Je pense que nous pourrions dépasser la proportion d’un robot humanoïde pour un humain”, a déclaré Elon Musk le 1er mars. Venant du patron de Tesla, autoproclamé roi de la tech, il ne s’agissait pas tant d’une prédiction que d’une promesse. L’entreprise de construction automobile d’Elon Musk est en train de mettre au point un tel automate recourant à l’intelligence artificielle (IA). Connu sous le nom de code “Optimus”, il servira à la maison comme à l’usine. Les déclarations d’Elon Musk, intervenues à l’occasion de la journée des investisseurs de Tesla, étaient accompagnées d’une vidéo qui montrait Optimus se promenant apparemment sans assistance.
Puisqu’Elon Musk n’a pas précisé comment – ni quand – on passe d’un clip promotionnel à une armée de plus de 8 milliards de robots, tout cela peut sembler relever de la science-fiction. Mais il s’est immiscé dans un débat bien réel sur l’avenir du travail. En effet, certaines formes d’automatisation fondées sur l’IA sont en passe de devenir une réalité scientifique.
Le retour d’une crainte ancienne
Depuis novembre dernier, ChatGPT, une IA conversationnelle, éblouit les utilisateurs en donnant assez bien l’impression d’être un interlocuteur humain. D’autres IA “génératives” produisent des textes, des images et des sons semblables à ceux que produirait un être humain en analysant des quantités considérables de données sur Internet. En février le patron d’IBM, géant de l’informatique, a prédit que l’IA supprimerait une grande partie des emplois de bureau. Le 6 mars, Microsoft a annoncé le lancement d’une série d’IA “copilotes” pour les employés occupant des postes allant de la vente et du marketing à la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Des observateurs enthousiastes murmurent que l’apocalypse de l’emploi est imminente.
Les craintes concernant les effets de la technologie sur la destruction d’emplois ne sont bien sûr pas nouvelles. Au début du XIXe siècle, en Grande-Bretagne, les luddites [partisans du luddisme, qui opposa les artisans aux manufacturiers, ndt] brûlaient les machines des usines. Le terme “automatisation” s’est imposé pour la première fois dans les années 1950, lorsque la mécanisation, dont les innovations avaient été adoptées pendant la guerre, a déclenché une vague de panique face au chômage de masse. En 1978, James Callaghan, Premier ministre britannique, a salué la percée technologique de son époque, le microprocesseur, en lançant une enquête gouvernementale sur son potentiel de destruction d’emplois. Il y a dix ans, Carl Frey et Michael Osborne, de l’université d’Oxford, ont publié un article retentissant, cité plus de 5 000 fois depuis, affirmant que 47 % des tâches effectuées par les travailleurs américains pourraient être automatisées “au cours des dix ou vingt prochaines années”. Aujourd’hui, même le techno-optimiste Elon Musk se demande ce qu’impliquerait le fait que les robots soient plus nombreux que les humains : “on ne sait même pas ce que devient une économie, à ce stade”…