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Les ventes de presse en kiosque s’effondrent, les abonnements numériques grimpent

Les journaux voient leurs ventes papier au numéro fortement reculer. En revanche, les audiences des sites d’information explosent. Les éditeurs tentent de transformer cette hausse en abonnements numériques, mais ne parviennent pas à la monétiser en publicité.

 

Les ventes de journaux et magazines en kiosque ont d’abord tenu en début de semaine dernière, notamment parce que certains lecteurs semblent bien avoir fait le plein de magazines en préparation du confinement. Mais depuis mercredi de la semaine dernière, alors que l’injonction de rester chez soi est plus forte, elles se seraient effondrées de moitié. La presse doit donc désormais transformer l’explosion de son trafic Internet, difficile à monétiser avec de la publicité, en abonnements numériques. Cela semble commencer à être un peu le cas.

 

Ainsi, les ventes de quotidiens en kiosque auraient baissé de 24 % et de 31 % lundi 16 et mardi 17 mars, tandis que celles des magazines auraient grimpé de 22 % et 12 %, selon des données de Presstalis, le principal distributeur des points de vente en France. Mais mercredi, les revenus des deux catégories se sont repliés de plus de 45 %. Sur les points de vente restés ouverts du 13 au 24 mars, le chiffre d’affaires a baissé de 13 % (+4 % sur les premiers jours, du 13 au 17 inclus, puis -27 % du 18 au 24 mars inclus), précise Presstalis.

 

« Il faut s’attendre à une baisse des revenus de 50 % en moyenne sur la vente à l’acte et espérer que le rebond sera aussi vif », craint Jean-Paul Dietsch, directeur général chez ACPM OJD, qui mesure la diffusion de la presse en France et est en contact permanent avec les éditeurs.

 

Les difficultés financières de Presstalis, qui ne sont pas spécifiquement liées à la crise sanitaire actuelle, avec la crainte d’un dépôt de bilan imminent, ont joué ces derniers jours. « Certains magazines craignant de ne pas être payés par Presstalis ont décidé de devenir gratuits, explique Franck Annese, le patron de So Press. Nous avons choisi de seulement abaisser le prix de vente de ‘Society’ pour soutenir le réseau. »

Plus de journaux hippiques

 

Par ailleurs, des titres liés aux événements annulés par la crise sanitaire ont cessé leur parution : c’est le cas des courses hippiques. Le quotidien « L’Equipe » a de son côté abaissé la pagination et son prix de vente. Des magazines à périodicité plus longue que les hebdomadaires ont aussi préféré reporter leur parution.

 

Enfin, le confinement a désorganisé la filière, qui espère que ce ne sera que temporaire. Les vendeurs de journaux dans les aéroports et gares, comme les Relay, ont fermé, un coup dur pour les magazines en particulier.

 

Presstalis note qu’au total 3.000 points de ventes environ ont baissé le rideau, même si certains estiment que c’est plus et qu’il faut prendre en compte aussi les ouvertures partielles. La province tient mieux que Paris. Les points de vente restés ouverts auraient, eux, observé une hausse de leurs ventes et auraient eu des ruptures de stocks, notamment car ils n’auraient pas toujours été bien approvisionnés. Les tirages, qui ont fortement baissé ces derniers jours, devraient repartir à la hausse quand le pilotage de la distribution dans le réseau sera réglé.

 

Tout espoir d’une crise plus modérée n’est donc pas perdu. Louis Dreyfus, le patron du « Monde », assure que ses ventes au détail « sont bonnes, même le week-end dernier ». La presse régionale serait également moins impactée. En attendant, les éditeurs tentent toutefois de relancer leurs abonnements papier, avec parfois des « offres confinement » à bas prix, et ce même si La Poste va réduire son service à partir du 30 mars.

 

Mais le vrai relais de croissance devrait venir du numérique. Car l’appétit des lecteurs explose. « Nous sommes au rendez-vous de l’information », dit Marc Feuillée, le patron du « Figaro ».

Forte fréquentation des supports numériques

 

L’ACPM note une « incroyable fréquentation des supports numériques lors du premier tour des élections municipales, qui coïncidaient aux premières annonces des mesures de confinement pour la population » : plus de 335 millions de visites, en 48 heures, qui ont été effectuées sur la centaine de marques de médias d’information contrôlées par l’ACPM. Soit le triple de fréquentation d’une période normale, dont 80 % réalisés sur les supports destinés aux terminaux mobiles.

 

Hélas, cette fréquentation est difficile à monétiser avec de la publicité . « La publicité a à peu près tenu cette semaine en raison des réservations mais devrait chuter de 60 % à 70 % en avril », estime Marc Feuillée, le patron du « Figaro ».

 

L’important est donc de recruter des lecteurs ou abonnés numériques pour passer la tempête. « Le Canard enchaîné », qui a réduit sa pagination, s’est résolu à proposer une version numérique à plus bas prix. Marc Feuillée note qu’il a multiplié les prises d’abonnement journalières par 4 ou 5 ces derniers jours. Même multiple constaté au « Parisien » et aussi aux «Echos» où les visites sur le site ont été multipliées par 2,5. Heureusement, dans certains titres, la marge par abonnés est désormais la même sur le numérique qu’en print.

 

« Nous constatons des records de recrutement d’abonnés online, ce qui montre l’appétit pour les news et la force du lien avec nos titres », affirme pour sa part Pierre Louette, patron des « Echos » et du « Parisien ». Mais il prévient la profession : « il ne faut pas se bercer avec ces petites bonnes nouvelles : il faudrait des centaines de milliers d’abonnés en plus pour pouvoir compenser la quasi-disparition (pour combien de temps ?) de la publicité, la réduction des points de vente, etc. »

 

Lire : Les Echos du 25 mars

 

Jean-Philippe Behr

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