Législation sur l’emballage, écocontribution des papiers graphiques et conflit d’usage sur l’utilisation de la biomasse : le syndicat de l’industrie papetière Copacel a détaillé le 8 décembre les menaces qui planent sur son activité, alors même que de nombreux investissements ont été annoncés ces derniers mois.
Particulièrement résiliente lors de la pandémie, l’industrie papetière française peut compter sur ses produits pour rester incontournable. Que cela soit dans le domaine de l’hygiène, des emballages –dont la demande ne cesse de croître- ou encore du loisir et l’enseignement avec les papiers graphiques, les entreprises du papier-carton préparent l’avenir. L’année a beau avoir été fortement chahutée par la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, Philippe Adhémar, président de Copacel, l’organisation professionnelle qui regroupe les fabricants de pâte, papier et carton, est confiant. «L’industrie papetière n’a pas investi de la sorte depuis 30 ans», assure le représentant, faisant référence aux annonces des derniers mois comme celle de Norske Skog à Golbey (Vosges), du groupe Gascogne à Mimizan (Landes) ou encore de VPK à Alizay (Eure)…
Grand pays forestier, la France demeure une terre d’avenir pour les producteurs de pâte et papier-carton. «30% du territoire est recouvert de forêts », rappelle Philippe Adhémar à propos de la matière première utilisée par l’industrie. Bien recyclée, la fibre provient aussi de la collecte. « Avec la désindustrialisation, nous importons beaucoup plus de produits emballés que nous en exportons. Ce gisement (d’emballage) augmente le gisement de papier-carton récupéré ». Les entreprises, dont l’activité est énergo-intensive, font aussi valoir leurs avancées dans le domaine de l’énergie. Les usines intègrent davantage de sources d’énergies issues de la biomasse ou encore des CSR. Début 2022, les entreprises se sont d’ailleurs engagées dans une trajectoire de réduction de 39% de leurs GES en 2030 par rapport à 2015.
Oui à la biomasse tant qu’elle ne prive pas les professionnels de matière
Sur le plan de l’activité, après un premier semestre dynamique, les professionnels observent un fléchissement depuis l’été. «L’activité s’est ralentie après les vacances estivales», indique Paul Antoine Lacour, délégué général de Copacel. «Ce tassement de la demande, variable selon les segments de marché, combiné à des incidents et des arrêts de machines à papier consécutifs à des travaux, devrait conduire à ce que la production de l’année 2022 soit en très léger recul par rapport à celle de 2021».
Les prévisions ne sont pas particulièrement réjouissantes pour 2023. Selon le délégué général, «les perspectives sont assombries par un tassement de la consommation, qui conduira à une contraction des carnets de commandes, ainsi que par un risque majeur de poursuite de la hausse des coûts de l’énergie, qui aura comme conséquence des réductions d’activité plus ou moins durables de certains sites ».
Parmi les menaces qui planent sur l’industrie papetière, la concurrence de la biomasse énergétique sur le marché du bois est source d’inquiétude pour Philippe Adhémar. «La biomasse permet une énergie locale et décarbonée mais attention aux conflits d’usage », alerte le président de l’organisation. Le porte-parole pointe les subventions accordées au développement de cette énergie provenant de la biomasse ligneuse. Reconnaissant l’intérêt de cette source d’énergie pour répondre à l’enjeu de souveraineté nationale du pays, le porte-parole déplore les conséquences de cette politique dans les régions où le gisement de matière est déjà en tension pour les professionnels du papier-carton. Et ce dernier de souligner le rôle bénéfique de l’industrie papetière sur l’économie locale : «Une tonne de bois transformée dans nos entreprises, c’est sept fois plus d’emplois qu’une tonne de bois brulée ».
Copacel contre un règlement européen qui favoriserait la réutilisation des emballages
La législation sur les emballages constitue un second point de vigilance pour les industriels du papier carton. En réaction à l’annonce du projet de règlement de l’Union européenne relatif aux futurs contenants et déchets d’emballage, l’organisation professionnelle fait valoir ses intérêts. «Ce projet peut nous impacter assez durablement, estime Philippe Adhémar, Il y a de grandes discussions concernant la réutilisation et le recyclage. Nos emballages ont cette vertu d’être recyclables. La réutilisation n’est donc pas notre sujet. Donner des objectifs de réutilisation pour faciliter d’autres produits moins recyclables constituerait une menace pour notre activité».
Dans le papier graphique cette fois, l’inquiétude se porte sur la responsabilité élargie du producteur (REP). Alors que l’agrément de la filière arrive à échéance au 31 décembre 2022, des discussions sont actuellement menées pour définir le montant de la future éco-contribution. La filière papier graphique «est celle qui paie le plus, et de loin», assure Philippe Adhémar indiquant un montant d’environ 10% du prix du papier. Le représentant des industriels redoute une hausse du montant de cette participation dédiée à la fin de vie des produits. «Il y a un risque que ces discussions se traduisent par une élévation significative et inacceptable de cette contribution», redoute le porte-parole, faisant valoir les bonnes conditions de recyclage du papier graphique par rapport à d’autres matériaux.
Lire : L’Usine Nouvelle du 13 décembre