La presse professionnelle numérique par abonnement ne connaît pas la crise. En pleine croissance, les médias spécialisés comme Contexte, La Lettre, Politico ou AEF Info tirent profit du besoin d’information fiable et ciblée des organisations pour vendre de coûteux abonnements.
Contexte et Indigo Publications – éditeur notamment de La Lettre – déménagent. En pleine croissance, ces deux spécialistes de l’information professionnelle numérique par abonnement prévoient de s’installer dans des locaux plus grands. Un vent favorable dont profitent aussi des médias comme Politico ou AEF Info.
En 2023, Indigo Publications, qui vient de reprendre la revue « XXI », affichera ainsi près de 20 % de croissance de son chiffre d’affaires. Les revenus devraient s’établir entre 9 et 9,5 millions d’euros, précise Quentin Botbol, le directeur général de ce groupe familial fondé en 1981. L’entreprise, passée de 33 salariés en 2018 à près d’une centaine aujourd’hui (en incluant « XXI »), est positionnée sur l’information exclusive pour les décideurs sur l’Afrique (« Africa Intelligence »), le renseignement (Intelligence Online), le luxe (Glitz) et la vie politique, économique et des médias (La Lettre).
Cette ex-lettre PDF hebdomadaire, encore récemment appelée « La Lettre A » est devenue il y a cinq ans un quotidien numérique, élargissant ses thématiques et doublant la taille de sa rédaction ces trois dernières années. « Mes vrais concurrents aujourd’hui sont les médias généralistes et non plus la presse professionnelle », juge Quentin Botbol. Son positionnement réaxé sur l’enquête a élargi le lectorat. Revers de la médaille, le groupe fait face en permanence à une quinzaine de procédures judiciaires entamées contre lui.
L’abonnement, un modèle vertueux
Indigo Publications vit exclusivement de la vente d’abonnements à des entreprises et organisations, sous forme de licences commercialisées à partir de 1.000 euros annuels et 4.000 euros selon le nombre d’accès. « C’est un modèle assez vertueux et stable : nos abonnements ont un taux de renouvellement supérieur à 80 %, ce qui nous assure un revenu récurrent, le montant est payé pour un an, ce qui génère un fonds de roulement positif », souligne Quentin Botbol.
Sur le même modèle exclusivement par abonnement, Contexte connaît une croissance plus forte encore. Sur l’année 2023, le « pure player » né il y a dix ans, qui informe les spécialistes des affaires publiques des évolutions législatives, devrait connaître une croissance de 43 % de son chiffre d’affaires, à 8 millions d’euros environ, après un exercice 2022 conclu sur une croissance de 46 %, selon son cofondateur Jean-Christophe Boulanger. « Cette année, nous avons embauché 20 nouveaux salariés, dont 14 journalistes », précise le principal actionnaire et PDG du média, qui réinvestit tous les profits opérationnels dans la croissance de l’activité.
Ciblant les professionnels du monde politique et des affaires publiques, son rival Politico, qui a proposé en vain de racheter Contexte selon nos informations confirmant celles du « Monde », affiche lui aussi une croissance élevée de son chiffre d’affaires, d’environ 20 % en 2023 au niveau européen, pour un total confidentiel. Le média s’appuie sur deux sources de revenus : l’abonnement B to B, à 60 %, et l’événementiel et la publicité numérique, à 40 %. Détenu par l’allemand Axel Springer et créé à l’origine aux Etats-Unis, le média s’est installé en Europe depuis 2015 et est présent à Paris depuis 2020, où il compte 25 salariés.
Evénementiel
« Nous prévoyons de doubler la taille de notre bureau de Paris en 2024 », confie Nicolas Sennegon, vice-président exécutif de Politico, responsable de l’Europe. En France, outre la newsletter quotidienne gratuite diffusée chaque matin en semaine (Playbook Paris) depuis 2021 et qui compte 45.000 fidèles, et celle du dimanche lancée cette année, Politico propose depuis un an un produit sur abonnement, Paris Influence, qui compte aujourd’hui 500 abonnés du monde du lobbying, pour un panier moyen d’environ 10.000 euros annuels.
D’autres acteurs surfent sur cette vague. Depuis la prise de participation majoritaire du groupe Les Echos – Le Parisien dans WanSquare, société éditrice de la « Lettre de l’Expansion », ce titre est en croissance constante et réalisera en 2023 sa meilleure année sur le plan financier, fait savoir l’éditeur.
Enfin, le vétéran des « pure players » numériques, AEF Info, créé en 1998, progresse, lui, à un rythme de 3 à 4 % par an, pour un total de 23 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 et 25.000 abonnés. Sans publicité, cette agence de presse se finance à parts égales par l’abonnement et l’organisation d’événements. Spécialiste notamment de la formation professionnelle, l’éducation, le développement durable et de l’information RH, le média racheté par Raymond Soubie en 2009 compte 150 salariés dont 80 journalistes.
AEF affiche une rentabilité régulière, soutenue par un taux de renouvellement de 98 %, précise sa directrice générale, Danielle Deruy. « Si on a une telle fidélité, avec une durée moyenne d’abonnement de douze à quinze ans, et souvent plus longtemps, c’est que nous sommes un outil de travail », poursuit-elle. Un outil pour lequel les entreprises sont prêtes à payer pour y voir clair dans l’océan de la désinformation. « Plus il y a de ‘fake news’ sur les réseaux sociaux, et mieux on se porte ! » lance-t-elle.
Lire : Les Echos du 14 novembre