La demande pour le papier-carton, leader dans le monde de l’emballage, a connu une explosion pendant les mesures récentes de confinement. Mais la conjoncture est depuis moins clémente. Et le règlement européen sur les emballages en cours de discussion, demandé de longue date par les ONG pour une industrie polluante, pourrait porter un nouveau coup au secteur.
Fermeture des restaurants, augmentation de la consommation alimentaire de produits emballés vendus en grande surface et, surtout, explosion des achats en ligne : les mesures de confinement de l’année 2020 ont fait exploser la demande d’emballages en papier-carton. Mais, depuis, le secteur doit faire face à plusieurs difficultés conjoncturelles et une réglementation européenne en cours de discussion qui vise à en finir avec les déchets d’emballage, ces derniers ayant augmenté de 20 % dans la dernière décennie. Un record.
L’industrie, forte de plus de 40.000 salariés et 450 entreprises en France selon les derniers chiffres disponibles du Comité français de l’emballage papier-carton (Cofepac), a pourtant de très bons taux de recyclage. Plus de 85 % si l’on additionne particuliers et professionnels selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Les ONG appellent cependant les pouvoirs publics à réduire davantage leurs usages en passant par le réemploi, considérant que le recyclage n’est pas la solution idéale pour réduire l’impact environnemental. Le sujet divise.
Un secteur ébranlé par la réglementation européenne
Selon Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer de l’ONG Zero Waste France, ce règlement qui vise à réguler l’emballage au niveau européen « est une chance unique de projeter l’Union dans son ensemble pour les prochaines décennies ». Elle ajoute que « quel que soit le matériau, le réemploi est plus écologique que le recyclage car il limite l’ensemble du cycle polluant, de la création au transport à la gestion de la fin de vie du produit ».
L’enjeu est de taille : un Européen génère en moyenne 189 kg de déchets d’emballage par an. Un chiffre qui pourrait passer à 209 kg si des mesures supplémentaires ne sont pas prises d’ici 2030, selon un rapport récent de la Commission.
De leur côté, les acteurs du carton martèlent que l’obligation de réemploi favorisera les emballages en plastique réutilisable et non pas ceux en papier-carton, qu’ils considèrent moins polluants. L’exemple des restaurants McDonald’s qui ont délaissé leur vaisselle en papier-carton jetable pour adopter une vaisselle en plastique réutilisable est brandi en étendard. Les conséquences ne seraient pas négligeables.
Pas d’effet majeur de la loi anti-gaspillage
Le directeur général de Smurfit Kappa France, entreprise irlandaise qui revendique la production de plus d’un emballage en papier-carton sur quatre dans l’Hexagone, va jusqu’à affirmer que « ce règlement ruinera les nombreux efforts que fait le secteur pour réduire son empreinte depuis des années ». Les fibres des cartons que son entreprise produit seraient recyclables 25 fois.
Le marché des emballages a récemment été concerné par une autre législation, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire adoptée en 2020. Les premières mesures interdisant le plastique à usage unique sont déjà entrées en vigueur.
Depuis, les pailles en carton ont fleuri dans les bars, les couverts en plastique ont disparu des supermarchés et les fruits et légumes ne sont presque plus emballés par du plastique. Ces mesures, qui devaient pourtant favoriser les sociétés d’emballage papier-carton, n’ont pas eu un effet majeur sur le secteur, l’emballage ménager ne concernant que 23 % du marché selon le Cofepac.
Un marché en trompe-l’oeil
C’est pourquoi le secteur tient à rectifier l’idée reçue d’un marché en forte croissance grâce à l’envolée du commerce en ligne depuis la pandémie. Les entreprises ont souvent intégré ce matériau facilement recyclable dans les livraisons, à l’instar d’Amazon qui a récemment dit adieu au plastique pour l’emballage en Europe.
Mais « l’impression que l’usage du carton a très fortement augmenté est tronquée. L’usage d’emballages papier-carton a toujours existé dans le secteur du transport ou de l’agroalimentaire, il était juste moins visible des Français avant le confinement » explique Kareen Desbouis, déléguée générale de Carton ondulé de France.
Il faut ajouter que la désindustrialisation à l’oeuvre depuis de nombreuses années en France a pour conséquence une baisse des produits fabriqués, et donc de la production d’emballages. Et le secteur ne peut pas se rabattre sur l’exportation pour des raisons de coûts de transport.
Le carton ondulé étant un produit très volumineux et peu cher, il est rarement transporté à plus de 250 kilomètres des sites de production. Enfin, l’explosion des prix de l’énergie déclenchée par la guerre en Ukraine l’an dernier n’a fait qu’augmenter les coûts de production de ce secteur très énergivore.
Lire : Les Echos du 22 novembre