« L’Express », « L’Obs » et « Le Point » rivalisent d’initiatives pour renouer avec la rentabilité et conquérir de nouveaux lecteurs. Disposant d’un socle d’abonnés moindre par rapport à ses deux rivaux, « L’Express » lance une palette de nouveaux services et vise en particulier le public des décideurs.
« L’Express », « L’Obs » et « Le Point » : les trois noms historiques des hebdomadaires d’information rivalisent d’initiative pour renouer avec la rentabilité et conquérir de nouveaux abonnés. Les trois newsmagazines – même s’ils refusent désormais cette appellation jugée d’un autre temps – n’ont pas vraiment d’autre choix que de se réinventer : en concurrence directe avec les quotidiens et l’information sur Internet, ils souffrent depuis plusieurs années d’une baisse de leur diffusion.
Alain Weill, qui a pris le contrôle de « L’Express » en 2019, veut le positionner sur le lectorat des décideurs, un modèle proche de « The Economist ». L’ancien patron des médias d’Altice a dévoilé jeudi une palette de nouveaux services pour renforcer la marque sur certains domaines d’expertise (transition écologique, digital, sciences & santé). En plus de miser sur les podcasts et les newsletters, « L’Express » crée un « think tank de la présidentielle » et des masterclass vidéo avec des patrons et des politiciens.
Objectifs affichés : doubler le nombre d’abonnés pour en atteindre 200.000 à terme et retrouver la rentabilité en 2023 après avoir réduit ses pertes annuelles de moitié en 2020, avec un dernier trimestre proche de l’équilibre opérationnel. Mais le socle d’abonnés de « L’Express » est bien moindre que ceux du « Point » et de « L’Obs », qui visent le retour dans le vert dès 2021.
L’enjeu de la transformation digitale
« L’enjeu, aujourd’hui, c’est vraiment de réussir sa transformation digitale, avoir les meilleures équipes pour recruter des abonnés numériques, explique Alain Weill. On n’est pas obligés de se limiter à un hebdomadaire d’information, on peut lancer d’autres sites payants sur d’autres thématiques », précise-t-il, allant même jusqu’à évoquer la possibilité de faire de la télévision.
Les autres titres prévoient moins de changements. « Le Point », qui fêtera ses cinquante ans en 2022, veut toujours « être référent » sur certains domaines comme la pensée, la science et la santé, la culture ou encore le vin, affirme son PDG, Renaud Grand-Clément. Son plan d’économies, étalé sur trois ans et amorcé en 2019, sera « principalement réalisé en fin d’année sans toucher à ce qui fait la valeur du journal », explique-t-il.
Pour « L’Obs », qui appartient depuis 2014 aux mêmes actionnaires que la Société éditrice du Monde, le retour de la rentabilité permettra de « réinvestir dans le produit et dans la qualité éditoriale », estime Louis Dreyfus, vice-président du conseil de surveillance de l’hebdomadaire. « 2022 sera une année électorale de nature à prolonger la tendance positive », prédit-il.
Une décennie de baisse
Quoi qu’il en soit, difficile de prédire si les présidentielles vont permettre de faire sortir cette famille de presse de la décrue amorcée depuis des années. Sur une décennie (entre 2011 et 2020), la diffusion payée France de la famille des six principaux titres de cet univers – « Le Point », « L’Obs », « L’Express », « Courrier international », « Marianne », « Valeurs actuelles » – a chuté de 42 % (1) alors que la presse magazine au sens large a un peu mieux résisté (-34 %), selon les données de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM).
« C’est une famille qui a énormément souffert de plans d’économies, de restructurations et surtout de la recherche d’un modèle pérenne compte tenu de leur périodicité, commente Jean-Paul Dietsch, directeur général adjoint de l’ACPM. Le rendez-vous hebdomadaire correspond moins au rythme de vie actuel. »
Baisse de la publicité
En outre, selon le spécialiste, cette famille de presse a moins bénéficié du développement de la lecture sur Internet : « Les versions numériques (les pdf) représentent un peu plus de 10 % de la diffusion des news en général, contre plus de 60 % pour les quotidiens. »
Toutefois, le recul a été moins fort ces toutes dernières années. En 2019 et 2020, la famille n’a perdu respectivement « que » 1,5 % et 2,4 % en diffusion payée… quand elle baissait de plus de 14 % en 2018.
Sur la publicité aussi, les news ont souffert. Sur la période janvier-août, pour un agrégat de cinq titres de presse magazine d’information (« L’Obs », « Le Point », « L’Express », « Marianne », « Valeurs actuelles »), les recettes brutes ont certes repris par rapport à 2020, mais elles restent inférieures de 12 % à celles de 2019, selon Publicis Media.
(1) Les chiffres de mars à juin ont été neutralisés compte tenu de la crise sanitaire.
Lire : Les Echos du 25 septembre