Selon une étude, le marché publicitaire français va croître de 2,3% par an en moyenne d’ici à 2030. Mais les acteurs du numérique vont en truster les deux tiers contre 52% en 2022. Le gouvernement cherche des pistes de réformes.
Et si les partisans de la fusion TF1-M6 finissaient par avoir la petite consolation d’avoir eu raison trop tôt ? Sans vouloir réécrire le scénario de cette fusion mort-née, une étude prospective sur le marché publicitaire, confiée par l’Arcom et le ministère de la Culture à un cabinet indépendant, montre qu’il y a péril en la demeure pour les modèles économiques de toutes les familles de médias traditionnels financés par la publicité, dont la télévision.
En 2030, les médias historiques (télévision, radio, presse, cinéma) ne capteront plus que 35 % des recettes nettes du marché publicitaire français, contre encore près de la moitié en 2022. Les acteurs du numérique (moteurs de recherche, réseaux sociaux, sites marchands, etc.) vont quant à eux voir leur part du gâteau croître pour en représenter les deux tiers, selon une étude du cabinet PMP Strategy publiée mardi.
Géants du numérique
Au total, le marché publicitaire français devrait peser 18,3 milliards d’euros en 2030, soit une croissance estimée à 2,3 % par an d’ici là, et sera de plus en plus dominé par quatre géants du numérique étrangers (Google, Meta, Amazon et TikTok) qui brassent le trafic des internautes et vont capter 45 % du marché publicitaire. Autre constat alarmant : les médias qui investissent dans les contenus (chaînes de télévision, radio, presse mais aussi plateformes et podcasts) vont voir leur part de marché s’étioler à 29 % contre 40 % en 2022, avec une perte de 800 millions d’euros de revenus.
« On a là les grands acteurs du numérique qui cannibalisent en quelque sorte une part centrale des ressources, qui viennent perturber donc très sérieusement nos médias historiques », s’est inquiété Roch-Olivier Maistre, le président de l’Arcom. S’exprimant dans une visioconférence, il a appelé de ses voeux à des évolutions dans la régulation (française ou européenne) afin de protéger les médias historiques.
Résilience de la télévision
La télévision et la radio font preuve d’une relative résilience : leurs recettes publicitaires devraient baisser respectivement de -1,4 % et -1 % par an d’ici à 2030. Mais leurs efforts pour monter en puissance en ligne ne vont pas compenser la baisse du linéaire. Quant à la presse, enfin, son principal défi sera de monétiser ses audiences en ligne, déjà fortes. Ses recettes publicitaires nettes devraient baisser de 5,4 % par an d’ici à 2030, selon les chiffres de PMP Strategy.
Des tendances qui confirment et prolongent celle d’une première étude, réalisée en 2018. Selon Florence Philbert, la directrice générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture, «ces projections paraissent essentielles pour réfléchir collectivement aux défis qui sont devant nous » et mesurer avec précision l’impact sur le financement des médias à moyen terme.
Dès cette semaine, le gouvernement va engager deux consultations publiques avec les professionnels. La première, concernant plus spécifiquement la protection de la diversité culturelle, permettra de décider si l’expérimentation sur les publicités à la télévision sur les films (qui existe depuis 2020 et arrive à échéance en avril) sera pérennisée ou pas. Elle abordera aussi un autre secteur historiquement privé de spots sur le petit écran : l’édition littéraire. Quant à l’autre consultation, plus large, elle portera tant sur la réglementation du marché publicitaire que sur celles régissant l’industrie des médias.
Lire : Les Echos du 30 janvier