Leurs dirigeants s’inquiètent du divorce d’avec une partie de la population et cherchent des remèdes.
Les conférences de rentrée des médias sont traditionnellement des moments conviviaux avec des dirigeants détendus après la trêve estivale. Mais, fin août 2021, dans la plupart des groupes, le discours était grave. «Nous n’abandonnerons pas le terrain», lançait Vincent Giret, directeur de l’information et des sports du groupe Radio France. Parlait-il de l’Afghanistan? Non, il parlait des rues des villes françaises sillonnées tout l’été par des manifestations d’anti-passe émaillées de nombreuses agressions de journalistes.
Des stations du réseau France Bleu ont été attaquées, un cocktail Molotov a été lancé dans un camion Radio France. C’est la première fois qu’un responsable d’un média suggère en creux que la question d’abandonner le terrain a pu se poser. «Mais il est impossible de renoncer car cela reviendrait à nier la raison d’être du journalisme», souligne Vincent Giret. «Médias collabos, “médiacrates”, “journalopes”…», les insultes ont fusé à l’encontre des journalistes des chaînes et stations d’information qui ont couvert les manifestations protégés par des agents de sécurité. Un traumatisme pour une partie des rédactions.
La coupure est désormais manifeste entre une frange de la population et le métier de journaliste. La révolte des «gilets jaunes» a démontré que cette haine des journalistes n’est plus seulement dirigée contre les représentants des grands médias parisiens, à commencer par les équipes des chaînes d’info en continu. Même les médias de proximité, les journalistes de la presse quotidienne régionale ou ceux des radios locales, ne parviennent plus à maintenir le lien.
Aujourd’hui, la grande crainte dans les rédactions est que le phénomène s’amplifie à l’approche de la présidentielle. «C’est une évidence, confie le dirigeant d’une rédaction nationale, même si l’on fait tout pour qu’il n’y ait pas de conflit. «Les sujets de la polarisation, de la montée de la violence contre les médias, voire de la détestation nous préoccupent depuis plusieurs années. Cela a commencé par les manifestations contre la loi El Khomri puis il y a eu un changement d’échelle avec les “gilets jaunes”, et cette année la violence est encore montée d’un cran», ajoute Vincent Giret…