Plusieurs défis attendent le métier de journaliste dans les vingt prochaines années. Il y a bien sûr une révolution technologique majeure qui se profile, avec l’émergence de l’intelligence artificielle : des outils comme ChatGPT menacent déjà de supprimer de nombreux postes dans les rédactions.
Mais ce n’est pas tout : le métier de journaliste pourrait d’ici 2040 être complètement remis en question par une importante rupture générationnelle.
Depuis quelques années, les médias traditionnels sont en perte de vitesse chez les jeunes. La télévision est particulièrement concernée par un phénomène de grand vieillissement : l’âge moyen des téléspectateurs est désormais de 57 ans, contre 48 ans en 2010. Si cela se poursuit au même rythme, ce média de masse pourrait devenir un média marginal d’ici 2040, regardé uniquement par des retraités.
Pour reparler aux jeunes, le nouvel eldorado des médias traditionnels, ce sont les bien sûr les réseaux sociaux. 70% des moins de 35 ans les utilisent quotidiennement pour s’informer. Pour les attirer, des médias comme France Inter, Le Monde ou encore BFM-TV ont investi ces dernières années Instagram, Twitter, et même TikTok. Seul problème, ils y font désormais face à une rude concurrence.
Sur les réseaux sociaux, le triomphe des influenceurs de l’info
Celle des influenceurs en tous genres : instagrammeurs, youtubeurs, tiktokeurs. Depuis plusieurs années déjà, beaucoup d’entre eux se sont lancés dans la production d’information. En France, le plus célèbre est Hugo Travers, dont la chaîne Hugo Décrypte, créée sur Youtube en 2015, compte aujourd’hui près de 14 millions d’abonnés sur les différentes plateformes. Pour beaucoup de moins de 30 ans, ses vidéos quotidiennes « Actus du jour », tiennent lieu de journal télévisé.
Ces nouveaux venus du marché de l’information ne se contentent plus de concurrencer les grands médias : sur les réseaux sociaux, ils les ont déjà en grande partie supplantés.
Dans un rapport paru en juin, « Digital news report », l’institut Reuters a sorti un chiffre choc : sur Tiktok, Instagram, ou Youtube, environ 55 % des utilisateurs se tournent désormais vers des influenceurs pour s’informer – et seulement un gros tiers vers les médias traditionnels.
Bref, une petite révolution est en cours, dont on verra toutes les conséquences dans vingt ans.
Vers un brouillage des frontières ?
Mon pronostic est que d’ici 2040, la frontière entre journaliste et influenceur va complètement disparaître.
Dans les prochaines années, les médias traditionnels, menacés de marginalisation, vont tout faire pour recruter des influenceurs à des postes importants. Ce sont donc eux qui présenteront en 2040 les plus grands talk-shows, les matinales les plus écoutées, voire animeront les débats présidentiels. L’interview d’Emmanuel Macron par MacFly et Carlito n’était sans doute qu’un avant-goût de ce qui nous attend.
Mais c’est aussi la définition-même du journalisme qui va changer. Face à la concurrence des influenceurs, la réussite d’un journaliste se mesurera demain à sa présence sur les réseaux sociaux, aux nombres d’abonnés qu’il détient, au nombre de « vues » sur ses posts, ; bref, à son influence en ligne.
Les journalistes doivent donc se préparer à se transformer, dans les années qui viennent, en influenceurs.
Lire : Radio-France du 18 août