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Les bénéfices du groupe « Le Monde » en forte hausse, tirés en partie par son contrat avec OpenAI

Le résultat opérationnel du groupe devrait atteindre 16 millions d’euros en 2024, tiré par les abonnements numériques et le contrat conclu avec la maison mère de ChatGPT. Encore modeste, « Le Monde in English » serait amené à être un relais de croissance.

« Nous sommes conscients d’être une exception. » Dans un contexte économique morose pour la presse française, Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde, sait qu’il est sur le point de livrer un bilan quasi insolent. En 2024, le chiffre d’affaires de son groupe, qui inclut aussi « Télérama », « Courrier International », « La Vie », et « Le Monde Diplomatique », est en progression de 2 %, et devrait s’établir à 311 millions d’euros. Un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2017.

Pour la seule marque « Le Monde » (quotidien, site Web et application, supplément du week-end, etc.), les comptes repassent dans le vert, avec un résultat opérationnel attendu cette année à 5,8 millions d’euros, contre un déficit d’environ 400.000 euros en 2023. Une performance qui s’explique en partie par la poursuite du dynamisme de sa diffusion.

Selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), la diffusion payée du « Monde » était de 546.000 exemplaires fin octobre, en hausse de plus de 10 % sur un an. Sur la même période, la croissance de la diffusion était plus forte pour « Libération » (+15 % sur un an, à 116.000 exemplaires vendus en moyenne) tandis que « Le Figaro » affichait aussi un rythme dynamique (+9 % sur un an, à près de 384.000).

Une diffusion tirée par le contexte politique

Faisant face à une érosion marquée de ses ventes en kiosque (-10 % sur un an), le journal de centre gauche (positionnement repris à son compte par Jérôme Fenoglio, directeur du « Monde », lors du live qu’il a animé sur le site du mercredi 18 décembre pour les 80 ans du journal) tire parti d’une stratégie offensive sur le numérique. Les abonnements digitaux ont rapporté 63 millions d’euros en 2024 (+12 % sur un an). Et l’année 2025 devrait être tout aussi bonne selon la direction générale, qui anticipe 10 % de croissance.

Cette progression côté abonnements a été soutenue par la forte actualité politique, avec dans l’ordre les élections européennes, la dissolution, les élections législatives, les élections américaines, mais aussi le conflit israélo-palestinien et la poursuite de la guerre en Ukraine. Pourtant, avec moins de 16 millions de visiteurs uniques en octobre selon Médiamétrie, le site du « Monde » reste assez loin du podium des sites d’information.

« Ces audiences un peu étroites dépendent d’un modèle longtemps axé sur le payant. Ça paie du côté des abonnements mais le risque est de glisser vers une forme d’élitisme », estime le patron d’un autre groupe de presse.

Intelligence artificielle

Lancé fin 2023, « Le Monde in English » séduit pour l’heure seulement 12.000 abonnés, localisés aux deux tiers en Amérique du Nord. Un chiffre modeste que le patron du groupe espère porter à 20.000 en 2025. « Cette activité sera rentable en 2026 », promet le président du directoire. Un objectif qu’il prévoit d’atteindre en mixant le recours à l’intelligence artificielle et à une équipe de huit journalistes en cours de titularisation.

« Les abonnements du ‘Monde’ en anglais ont vocation à représenter 15 % des nouveaux abonnements », lance Louis Dreyfus, sans préciser l’échéance. Une version papier en anglais de « M le magazine du Monde » sera d’ailleurs lancée l’an prochain, visant deux parutions (mars et septembre) et une diffusion à l’international.

L’intelligence artificielle, il en est aussi question ailleurs dans le compte de résultat du journal. « Le Monde » est le seul titre de la presse française à avoir conclu un accord avec OpenAI, autorisant ainsi la maison mère de ChatGPT à utiliser ses articles pour entraîner sa base de données. Le montant du contrat est tenu secret.

Estimé un temps entre 2 à 3 millions d’euros, le patron précise que « c’est en réalité très loin de la vérité ». « Nous avons toujours dit qui si nous signions avec OpenAI, le montant devait être significatif », insiste-t-il, sous-entendant un chiffre bien plus élevé.

Des tarifs postaux en hausse, des revenus publicitaires en baisse

Du côté des mauvaises nouvelles, « Le Monde » n’échappe pas à la morosité du marché de la publicité. Pour les salariés qui « voulaient se réorienter », une rupture conventionnelle collective (RCC) s’est déroulée cette année à la régie se traduisant par 8 départs (sur 110 chez M Publicité). « Aucun autre plan de ce type n’a été mis en place ou n’est envisagé » au sein d’un groupe qui compte 1.600 salariés, précise la direction.

En 2024, année exceptionnelle en raison des Jeux Olympiques, la diminution de son chiffre d’affaires a été de -3 % sur un an. Pour 2025, le groupe table sur une baisse d’environ 2,5 % des revenus publicitaires par rapport à 2024, ce qui correspond peu ou prou aux prévisions de l’agence Magna pour l’ensemble de la presse.

Autre ombre au tableau : le transport postal. La Poste a augmenté de 2 % ses tarifs pour le postage pour le premier semestre 2025. Elle menace de les augmenter significativement plus à partir de juillet prochain. Une négociation est en cours avec les éditeurs français. C’est un risque surtout pour la presse magazine. Or, un tiers de l’Ebitda du groupe vient de « Télérama »…

Lire : Les Echos du 19 décembre

Jean-Philippe Behr

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