Ancien rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter appelle à un usage raisonné des terres.
Professeur à l’université de Louvain (Belgique) et coprésident du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food), ancien rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter détaille les transformations nécessaires du système agroalimentaire dominant pour répondre au défi climatique.
Le rapport du GIEC sur les sols souligne la concurrence dans l’utilisation des terres, entre d’un côté l’agriculture et de l’autre la reforestation nécessaire pour absorber plus de CO2. La lutte contre le changement climatique est-elle compatible avec la sécurité alimentaire mondiale ?
Il est possible de nourrir la planète sans augmenter la surface cultivée, voire en la réduisant. D’abord, en agissant sur la demande : il n’y a aucune fatalité dans le fait que les régimes alimentaires aillent toujours vers plus de protéines animales, exigeant des surfaces plus grandes pour le fourrage animal ou pour l’élevage. Ensuite, en luttant contre les pertes et gaspillages, qui demeurent considérables dans les chaînes alimentaires : environ un tiers de la production agricole mondiale est perdue.
Enfin, et surtout, la diffusion large de l’agroforesterie, combinant un couvert arboré avec des cultures notamment alimentaires, permet de faire l’usage le plus raisonné et le plus efficient de la terre. Les arbres favorisent la captation de l’humidité par le sol, réduisant le besoin d’irrigation. Ils permettent aussi d’entretenir la vie biologique des sols et de réduire le risque d’érosion. Ils sont, en d’autres mots, non pas en concurrence avec la production alimentaire, mais des alliés. Le problème est qu’ils sont peu compatibles avec la mécanisation forte de l’agriculture à laquelle on a assisté depuis un siècle…