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L’édition juridique à l’heure de l’IA

Après LexisNexis, c’est au tour des deux autres acteurs historiques de l’édition juridique en France – Lamy Liaisons et Lefebvre Dalloz – de lancer leurs robots conversationnels pour avocats et juristes. Coup de projecteur sur un secteur redynamisé par l’intelligence artificielle.

Dans le secteur de l’édition juridique c’est le branle-bas de combat pour basculer dans l’ère de l’intelligence artificielle générative.

LexisNexis,Lefebvre Dalloz et Lamy Liaisons – le trio de tête du marché de l’édition juridique en France – ont tous annoncé ou lancé ces dernières semaines leurs robots conversationnels dopés à l’IA générative pour avocats, juristes mais aussi experts comptables ou encore chargés RH et CSE d’entreprises.

Lamy Liaisons a profité d’un forum qu’il organisait lundi dernier à Paris pour annoncer l’arrivée de son outil fonctionnant à l’IA en septembre, en même temps qu’une refonte plus ergonomique de sa plateforme numérique pour juristes. L’éditeur s’appuie aussi sur les 300 ingénieurs de sa maison mère, le scandinave Karnov, qui dispose notamment d’un pôle tech en Espagne, pays où ce groupe a lancé un robot de même type en 2023.

Des juristes « augmentés »

De son côté, Lefebvre Dalloz avait annoncé fin mars la commercialisation d’une plate-forme pour l’aide à la recherche et l’analyse de documents juridiques. Pour cela, il a numérisé ses archives (encyclopédies, revues, dictionnaires etc.). L’éditeur est en train de proposer ce nouvel outil à ses 70.000 abonnés, avec des prix allant de 1.200 à 4.800 euros (selon la taille de la structure, les abonnements déjà conclus etc.) « avec l’objectif de convertir la plupart d’entre eux », explique Anne Grèze, directrice « Go to Market » de Lefebvre Sarrut, maison mère de Lefebvre Dalloz

LexisNexis a également présenté en France sa solution d’IA générative, déjà introduite aux Etats-Unis et dans d’autres pays. La société du géant britannique RELX espère convertir l’ensemble de ses 125.000 utilisateurs. « Notre objectif est de faire des juristes ‘augmentés’ », résume Eric Bonnet-Maes, directeur LexisNexis Europe continentale-Afrique-Moyen-Orient. Il constate « une demande phénoménale » pour ce nouvel outil, baptisé Lexis + AI, qui est commercialisé avec un surcoût par rapport son moteur de recherche classique.

Chaque éditeur travaille avec des modèles de langage existants : Lamy Liaisons a noué des partenariats avec Microsoft et ChatGPT, Lefebvre Dalloz s’est basé notamment sur GPT4-Turbo (dernier né d’OpenAI) et Mistral, LexisNexis travaille avec Anthropic et OpenAI. Ces lancements nécessitent d’importants investissements. Par exemple, chez LexisNexis, c’est plusieurs centaines de millions d’euros au niveau mondial pour accélérer dans l’IA.

Libérer les juristes des tâches répétitives

La promesse : libérer les avocats et professionnels du droit des tâches les plus répétitives et chronophages (analyses de documents, résumés de jurisprudence, traduction, etc.). Des cas d’usage plus pointus sont testés par exemple chez Lamy Liaisons, mais l’éditeur qui compte plus de 130.000 utilisateurs reste discret sur les applications à venir. Selon LexisNexis, aux Etats-Unis son outil d’IA générative a déjà permis de faire gagner en moyenne 11 heures par semaine aux clients.

La force de ces éditeurs est leur corpus de contenus propriétaires, fiables et de qualité, sur lesquels entraîner le robot. Dans le cas de Lamy Liaisons, il s’agit de 12 millions de documents avec 470.000 mises à jour par an, explique son président, Guillaume Deroubaix.

Mais il faut rester vigilants : les IA génératives – surtout celles grand public – peuvent avoir des « hallucinations ». « Tout est question d’équilibre, insiste Guillaume Deroubaix. Fiabilité des réponses et sécurité des données ne peuvent être sacrifiées au bénéfice de la seule productivité. Surtout dans ce domaine si sensible du droit. »

Gare aux « hallucinations »

Pour éviter les dérapages, les éditeurs juridiques ont contraint le robot à ne répondre qu’avec leurs propres bases de données. « On a fait le choix de l’exhaustivité. On ne peut pas garantir 0 % d’hallucinations, mais elles sont extrêmement faibles », assure Mathieu Balzarini, VP product chez LexisNexis. « Il y a très peu d’erreurs. L’outil est aussi intelligent que nos données », résume avec une pointe d’humour Michael Benesty, directeur R&D de Lefebvre Sarrut.

Lefebvre Dalloz a toutefois voulu jouer la prudence en excluant les jurisprudences des réponses dans la mesure où un robot, même contraint et entraîné sur une base fiable, peut faire des erreurs dans les dates. Chez Lamy Liaisons non plus la jurisprudence ne sera pas déployée par défaut sur les outils IA, mais les utilisateurs auront la possibilité d’en inclure une sélection.

Avec l’IA, le secteur de l’édition juridique, autrefois peu dynamique, recèle désormais un fort potentiel de croissance. Selon Thomson Reuters – leader aux Etats-Unis mais dont l’offre WestLaw est relativement peu présente en Europe continentale – le marché des contenus et logiciels juridiques représente environ 10 milliards de dollars de revenus pour les éditeurs dans le monde et devrait croître entre 6 % et 8 % par an.

 

Lire : Les Echos du 28 avril

 

Jean-Philippe Behr

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