Paramount a confirmé lundi la cession de l’éditeur au fonds d’investissement KKR, pour 1,62 milliard de dollars. Une cession guidée par la nouvelle politique de concurrence à Washington.
Sans mauvais jeu de mots, une page se tourne pour l’éditeur Simon & Schuster. Après des années de spéculation, l’éditeur de Stephen King ou Britney Spears est vendu pour 1,62 milliard de dollars (1,47 milliard d’euros) au fonds d’investissement KKR, a confirmé son propriétaire, Paramount, lundi. L’information avait fuité dans le « Wall Street Journal » ces derniers jours.
« Simon & Schuster est un actif fantastique, mais d’un point de vue stratégique, il n’est pas dans le coeur de notre mission, qui est de créer du divertissement vidéo de classe mondiale », a justifié le PDG de Paramount, Bob Bakish, en présentant les résultats trimestriels du groupe après la clôture de la Bourse.
KKR remporte de fait un actif hautement convoité : mis en vente depuis plusieurs années, Simon & Schuster a intéressé tous les grands noms de l’édition mondiale, et notamment les français Hachette ou Editis. Fin 2020, c’est finalement Bertelsmann qui l’avait emporté, pour 2,12 milliards de dollars. Mais l’appétit de l’allemand, qui venait d’acheter le solde de Penguin Random House quelques mois plus tôt, a fait tousser le département de la Justice, avec une administration Biden désormais sourcilleuse sur les questions de concurrence.
« Un par un, ils ont été avalés »
Stephen King était venu en personne témoigner contre l’opération lors d’une audience, l’été dernier, pointant un risque pour la rémunération des auteurs si le numéro quatre du secteur se faisait ainsi avaler par un acteur du trio de tête. « Quand j’ai commencé, il y avait littéralement des centaines d’éditeurs. Un par un, ils ont été avalés par d’autres ou ils ont mis la clé sous la porte […] Il est devenu de plus en plus dur pour les écrivains de trouver assez d’argent pour vivre », avait expliqué l’écrivain au tribunal. La cession avait finalement été annulée.
Prolifique sur X (ex-Twitter), Stephen King n’avait pas réagi à l’identité du nouvel actionnaire de sa maison d’édition, lundi soir. Le fonds KKR ne va pas présenter d’obstacle sur la question de la concurrence. Il pourrait néanmoins agacer la gauche, avec sa réputation de « barbare », héritée d’une pratique des rachats d’entreprises par endettement (LBO), souvent suivis de restructurations pour rembourser les prêts.
Plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires
Dans un contexte de taux élevés, KKR achète toutefois « S&S » comptant. Et pour rassurer auteurs et salariés, les deux parties ont indiqué que le PDG de « S&S », Jonathan Karp, resterait en poste. Les quelque 1.600 employés de l’éditeur pourraient aussi bientôt bénéficier d’un plan de participation au capital de leur entreprise, est-il précisé. Le fonds fait en tout cas l’acquisition d’une maison d’édition en forme : Simon & Schuster a dépassé le milliard de dollars de recettes l’an dernier, avec un résultat opérationnel à 248 millions de dollars.
Le prix de vente conclu entre Paramount et KKR n’est pas aussi élevé que celui offert par Penguin, mais l’opération a malgré tout le mérite « de cocher toutes les cases », a jugé Bob Bakish : avec l’indemnité de rupture de Penguin de 200 millions de dollars et les cash-flows produits depuis 2020 par Simon & Schuster, Paramount s’y retrouve. Et il consacrera le chèque final, qu’il espère toucher dans quelques mois, après la clôture des procédures, à son désendettement.