A l’occasion du « Mondial du Livre », les éditeurs français ont démontré leur capacité à se réinventer via notamment le modèle du streaming, sur les plates-formes dans le livre audio comme l’abonnement à des librairies numériques.
« Le streaming a dominé cette édition, qu’il s’agisse d’adaptations à l’écran comme des téléchargements de livres audio », selon Juegen Boos, patron de la 71e Foire Internationale du Livre de Francfort.
C’est dans une atmosphère étrange, paisible en apparence mais tourmentée par l’anxiété de chiffres de ventes en baisse continue, que s’est achevé ce week-end la 71e Foire du Livre de Francfort. Un événement hors-norme, relevant plus d’une foire d’empoigne pour l’acquisition et la vente aux enchères des droits étrangers des auteurs les plus « bankables »… que d’un Salon du livre classique.
Tous les acteurs – ou presque – de l’édition ont répondu présents : grands éditeurs, négociants en cession de droits et audiovisuels, agents et « scouts », traducteurs, start-uppers, concepteurs de podcasts…
Décharge électrique
Il n’est pas forcément nécessaire qu’un ouvrage soit bouclé pour qu’il attise les convoitises. « Un des rares ‘hot titles’ de cette Foire 2019 est le nouveau livre de Bill Gates sur le réchauffement climatique ‘How to avoid a climate disaster’. Il ne l’a pas encore achevé mais Albin Michel a déjà pris, comme beaucoup d’autres, sa place sur les enchères pour décrocher les droits français », indique Gilles Haéri, PDG d’Albin Michel.
Bill Gates ? Un auteur « bankable », bien évidemment. L’adjectif a repris une vigueur subite. L ‘annonce, pour 2018, de la chute de 4,4 %, du chiffre d’affaires de l’édition française , a fait l’effet d’une décharge électrique. Comme celui de la grande distribution, de l’automobile ou de la communication, le secteur du livre est sommé de revoir son modèle. Kelly Luegenbiehl, vice-présidente de la plate-forme de « streaming » Netflix, a fait le déplacement pour la première fois. S’exprimant devant un parterre de 200 éditeurs elle a tout fait pour les rassurer et s’est dite partenaire des professionnels.
« Joueurs de foot »
Les besoins des maisons d’édition ont changé, certains allant même jusqu’à demander des « joueurs de foot », des auteurs star, médiatisés assurés de réaliser des ventes importantes. Une nécessité dans un secteur où les livres de plus en plus sont déclinables sur des canaux multiples, podcasts, lecture en streaming, audiobook, et bien sûr adaptations sur les plates-formes et sous forme de jeu vidéo.
Toute la semaine, une fracture invisible a séparé les éditeurs français, certains admettant, sous la pression des chiffres, la nécessité de reconnaître les livres comme des contenus, d’autres rechignant à imaginer « A la Recherche » sous forme de textes courts, destinés aux enceintes connectées.
A ce jeu, Albin Michel, couronné par un Goncourt en 2013, a pris le train en marche des adaptations en temps réel des best-sellers en séries audiovisuelles. A l’automne 2018, la saison 1 de la suite des « Rivières pourpres » écrite par Jean-Christophe Grangé a été diffusé, parallèlement au livre « La dernière chasse » publiée par Albin Michel. Le succès d’audience ayant été au rendez-vous, Jean-Christophe Grangé travaille sur le scénario de la saison 2.
Le « streaming » grand vainqueur
Après avoir crée sa librairie de livres numériques chapitre.com, cédé à Bertelsmann en 2011, Juan Pirlot de Corbion a mis sur les rails YouScribe, en direction des 272 millions d’Africains francophones qui n’ont pas accès à une librairie de proximité. « Nous l’avons fait en partenariat avec Orange, sur le principe d’une lecture en streaming pour 15 centimes d’euros par jour, s’ajoutant à l’abonnement téléphonique et consultable à la façon d’une bibliothèque numérique. » explique le patron de la start-up.
De son côté, le livre audio, de plus en plus présent en streaming sur smartphone, préempte déjà 10 % de part de marché aux Etats-Unis. De quoi amener Juergen Boos, patron de la 71e Foire de Francfort, de conclure : « Le streaming a dominé cette édition, qu’il s’agisse d’adaptations à l’écran comme des téléchargements de livres audio ». Une page se tourne pour le métier d’éditeur, de gré ou de force.
Lire : Les Echos du 20 octobre