L’empreinte carbone laissée par la production d’un livre imprimé est devenue un argument chez ceux qui défendent le passage aux appareils numériques. Mais d’un autre côté, le bon vieux papier a pour avantage de durer plus longtemps et de pouvoir passer entre plus de mains. Qui dit vrai ? Le Détecteur de rumeurs et Unpointcinq , « média de l’action face aux changements climatiques », survolent quatre aspects du problème.
1) Les cycles de vie du papier et du numérique
Dans une recherche parue en 2012 dans le Journal of Industrial Ecology, une équipe de l’Université du Québec à Chicoutimi a décortiqué le cycle de vie d’un livre depuis les coupes forestières faites par l’industrie des pâtes et papiers jusqu’à ses derniers moments dans le bac de recyclage ou au dépotoir. En déterminant les quantités de gaz à effet de serre émises à chaque étape de la production, les chercheurs ont donc calculé son empreinte carbone.
D’après leurs résultats, la production d’un livre de poche fabriqué aux États-Unis ou au Canada génère 2,71 kg de CO2. « Les différentes étapes de la vie d’un livre ne pèsent pas toutes aussi lourd dans la balance : la majorité des émissions de CO2 proviennent de la fabrication de la pulpe, vierge ou recyclée, et du papier », précise l’un des auteurs de l’étude, Claude Villeneuve, titulaire de la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi.
Si les livres poussent dans les arbres, ce n’est toutefois pas le cas des liseuses ! Leur fabrication, de l’extraction de la matière première jusqu’au recyclage des pièces totalise, selon une évaluation de la compagnie Apple , une empreinte carbone de 120 à 160 kg de CO2 pour l’iPad Pro, tandis qu’une étude de la firme américaine de consultants Cleantech publiée en 2009 mesurait environ 170 kg de CO2 pour la Kindle d’Amazon.
Il ressort donc de ces chiffres qu’après quatre ans d’utilisation intensive (durée de vie moyenne d’un iPad, selon Apple), l’empreinte carbone d’une liseuse correspond à celle de 45 à 65 livres neufs. Autrement dit, pour que la liseuse démontre un bilan similaire à celui des livres en papier, il faudrait que son propriétaire achète au minimum un livre par mois pendant quatre ans.
2) Le livre papier : le facteur géographique
L’empreinte carbone des livres imprimés peut toutefois varier suivant la géographie. « Les usines de pâtes et papiers québécoises sont majoritairement alimentées par des centrales hydroélectriques, dont l’empreinte est faible. Aux États-Unis, les centrales au charbon pèsent bien plus lourd », note Claude Villeneuve. La distance entre les différentes étapes du cycle de vie d’un livre joue aussi : le passage par l’entrepôt d’un détaillant en ligne peut faire grimper son kilométrage.
3) Le livre papier, un « réservoir de carbone »
Bien que les chercheurs de l’Université de Chicoutimi ne soient pas allés jusque-là, on peut considérer qu’entre le livre numérique et le livre papier, ce dernier a pour avantage de devenir un réservoir à carbone… dès qu’il s’installe quelque part ! « Tous les livres qui garnissent ma bibliothèque depuis des années stockent le carbone au lieu de le relâcher dans l’atmosphère, souligne Claude Villeneuve. Avec ma collection de livres, j’emprisonne une partie des gaz à effet de serre inhérents à mes livres. »
4) La bibliothèque publique, la botte secrète du livre
Le bon vieux bouquin a encore une carte en réserve. Presque la moitié des Québécois empruntent leurs livres à la bibliothèque ou à leur entourage. Les livres n’étant pas à usage unique, il faut donc prendre en compte que plusieurs lecteurs se partageront un même ouvrage. L’empreinte carbone du livre papier s’en trouve donc réduite, et la pente est encore plus difficile à remonter pour la liseuse.