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Le livre audio, un marché à plusieurs milliards de dollars convoité par les géants de la tech

Fin septembre, le poids lourd de l’audio, Spotify, a fait savoir qu’il allait mettre à la disposition de ses utilisateurs américains plus de 300.000 audiobooks. En France, Amazon (Audible) a récemment lancé une offre donnant accès à un catalogue de livres audio de manière illimitée. Sur de nombreux marchés, l’usage de ces formats est en plein essor et la concurrence s’intensifie.

Même dans l’industrie du livre audio, il faut savoir passer des paroles aux actes. Et le géant du streaming audio, Spotify, n’aura guère tardé. Fin septembre, le groupe a fait savoir qu’il allait mettre à la disposition de ses utilisateurs américains plus de 300.000 audiobooks, en s’appuyant sur le catalogue de Findaway, dont le suédois a récemment bouclé l’acquisition pour 117 millions d’euros.

Une illustration des ambitions de Spotify dans le livre audio, qui ne proposera, pour l’heure, que le modèle de l’achat à l’acte. « Les livres audio vont être une opportunité massive […] à 70 milliards de dollars par an. […] Comme nous l’avons fait dans le podcast, préparez-vous à ce que nous jouions pour gagner », avait clamé, le PDG du groupe, Daniel Ek, en juin.

En 2021, ce marché a représenté 4,2 milliards de dollars à l’échelle mondiale, selon la firme Grand View Research, qui estime que l’audiobook devrait en peser 15 milliards dès 2027. Un fait est certain : la croissance annuelle du marché est à deux chiffres et ne va pas faiblir dans les années à venir.

« Le confinement a considérablement développé l’usage de ce format, notamment les livres jeunesse, qui permettaient d’éloigner les enfants des écrans. Les gens l’ont aussi redécouvert avec l’essor du podcast, souligne Liza Faja, directrice de Lizzie, l’éditeur de livres audio d’Editis, numéro 2 de l’édition en France. Les utilisateurs n’écoutent plus uniquement les livres audio dans les temps de transport contraints mais aussi chez eux, et de plus en plus en famille. »

En France, le nombre d’audio-lecteurs est monté à près de 10 millions l’an dernier, selon le Syndicat national de l’édition (SNE), la Sofia (l’organisme de gestion collective du droit de prêt en bibliothèque) et la Société des gens de lettres. Soit une hausse de 8,7 % sur un an.

« En France, le marché du livre audio pèse près de 100 millions d’euros », estime Serge Torossian, responsable de Storytel en France, où le groupe suédois vient de se lancer avec une offre 100 % livre audio. Ce dernier a été précédé sur le marché hexagonal par son compatriote Nextory, qui a débarqué grâce au rachat de la firme française Youboox.

Nextory propose, en plus des livres audio, un accès à de la presse, à des podcasts ou à des livres électroniques. « L’usage est encore très mixte en France, entre lecture sur ebooks et livres audio, et nous préférons avoir l’offre la plus large possible », note Hélène Merillon, responsable France de Nextory, cherchant à se différencier dans la mêlée concurrentielle.

« Le livre audio n’est plus un marché de niche »

« L’arrivée de nouveaux entrants confirme que le livre audio n’est plus un marché de niche mais de levier. La concurrence participe à sa croissance puisque de nombreux investissements sont encore nécessaires pour arriver au niveau des marchés matures, comme les Etats-Unis ou les pays nordiques », fait valoir Bertrand Etienne, directeur général d’Audible France, où le groupe est (largement) leader du secteur.

Mi-septembre, Audible a d’ailleurs lancé une offre permettant d’écouter des livres audio de manière illimitée dans l’Hexagone. Une formule que Lizzie va tester en mettant à disposition une infime partie de son fond de catalogue (titres anciens), mais pas Audiolib (filiale d’Albin Michel et d’Hachette), opposé à toute « netflixisation » du secteur.

Tous les éditeurs s’accordent, en revanche, sur le modèle de la vente à l’unité ou du crédit (moyennant 10 euros mensuels, les utilisateurs ont accès à un livre audio par mois) et surtout du « forfait heures » (un accès à 15 heures de lecture audio ou plus par mois) – mis en place par Nextory ou Storytel -, qui permet de développer l’usage de l’audiobook sans exposer leur catalogue de manière illimitée.

Des terrains d’entente trouvés entre distributeurs et éditeurs qui expliquent pour beaucoup l’essor de ce marché ; les seconds percevant les livres audio comme des revenus additionnels et un réservoir de croissance à même d’élargir le marché du livre en touchant des utilisateurs peu friands du format papier.

Sorties concomitantes​De fait, le leader français du secteur, Hachette (via Audiolib), et Editis (Lizzie) ont signé des « deals » avec Kobo, Audible, Nextory, Storytel, ainsi que Google et Apple, n’hésitant pas à sortir parfois concomitamment leurs best-sellers en format physique et audio. Cette année, Audiolib et Lizzie produiront chacun autour de 200 audiobooks en français.

« En moyenne, la production d’un audiobook revient de 6.000 à 10.000 euros, et notre point mort se situe autour de 2.500 livres audio vendus. Tous ne sont pas rentables, mais nous sommes dans une période de conquête du marché et il faut investir, détaille Valérie Lévy-Soussan, PDG d’Audiolib. Aujourd’hui, les meilleures ventes pour les livres audio en France tournent autour de 50.000 exemplaires. » Les plus gros hits font même mieux encore. Chez Audiolib, le record a été établi par « Sapiens », de Yuval Noah Harari, avec plus de 120.000 ventes. En comparaison, les livres physiques récompensés par un Goncourt ont généré autour de 350.000 ventes ces dernières années.

« Une belle carte à jouer »

Reste que la distribution de livres audio n’est pas un marché se cantonnant aux géants de la tech et aux « pure players » tels que Nextory ou Storytel. Aux Etats-Unis, Barnes & Noble – la principale chaîne de librairies du pays – a lancé son service en avril, proposant un accès à 300.000 titres pour un abonnement mensuel de 15 dollars. De son côté, l’éditeur suédois Bonnier avait fait de même il y a quelques années en lançant son offre en propre.

En France, Lizzie a aussi lancé son application. « Mais nous sommes agnostiques sur les plateformes et sommes présents partout, détaille Clément Pelletier, directeur du développement chez Editis, où il pilote le pôle audio. Avec tous les nouveaux entrants, il va y avoir une concurrence accrue sur les propriétés intellectuelles les plus fortes, et c’est là qu’on va avoir une belle carte à jouer. » D’autant que Spotify finira immanquablement par déployer son offre en France et que, depuis des mois, des bruits de couloir laissent entendre qu’un certain Apple songerait à lancer une offre d’abonnement à son catalogue de livres audio…

 

Lire : Les Echos du 3 octobre

 

Jean-Philippe Behr

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