Dans un avis publié le 12 décembre, le Jury de déontologie publicitaire a donné raison à Two Sides. L’association avait déposé une plainte à la suite d’une publicité diffusée par Docusign affirmant que le recours à la signature électronique permettait notamment des économies de CO2 et de sauver des arbres. En confirmant qu’une telle communication environnementale ne respecte pas les recommandations professionnelles, cet avis permettra de combattre les trop fréquentes allégations infondées faisant la promotion d’outils numériques aux dépens du papier.
A l’occasion de la journée mondiale de l’environnement, Docusign France diffusait le 5 juin 2022 une publicité sur Twitter et LinkedIn, comportant un message indiquant « #WorldEnvironmentDay Nous avons qu’une seule planète. Prenons-en soin. Rejoignez-nous pour préserver nos forêts, économiser du papier et de l’eau et réduire les émissions carbone », associé à une vidéo représentant un surfeur marchant vers la mer, des vagues s’échouant sur une plage et une forêt, où les textes suivants apparaissaient en incrustation : « Ensemble, nous avons un impact positif », « 22 milliards de litres d’eau sauvés », « Plus de 6 millions d’arbres sauvés depuis 2003 » et « 55+ milliards de feuilles de papier sauvées ». Cette publicité ne mentionnait nulle part l’impact du service de signature électronique proposé par Docusign.
Considérant cette communication comme un exemple caractérisé de greenwashing, Two Sides a déposé plainte auprès du Jury de déontologie publicitaire (JDP).
Dans son avis final, publié le 12 décembre sur son site internet[1], le Jury constate que « les allégations chiffrées qui constituent des arguments de réduction d’impact ne sont assorties d’aucune précision et d’aucun renvoi, notamment au site internet de l’annonceur, permettant d’expliciter ces chiffres et de connaître tant la période considérée que la base de comparaison utilisée », que « cette imprécision ne permet pas de comprendre en quoi les services proposés présentent les qualités revendiquées. De même, l’allégation globale « réduire les émissions carbone » n’est pas accompagnée de précisions chiffrées ». Le Jury a également considéré que « l’allégation : « ensemble nous avons un impact positif » induit l’idée que l’activité de Docusign aurait pour effet, par elle-même, de protéger l’environnement. A tout le moins, elle minimise l’incidence écologique des solutions numériques qu’elle propose, qui ne sont d’ailleurs pas rappelées ». Accompagnée des visuels choisis par Docusign, le Jury considère que « cette présentation globale revêt un caractère disproportionné au regard de la réalité de l’impact environnemental des activités de l’annonceur et est susceptible d’induire en erreur le public ».
Surtout, au regard de la manière dont Docusign a tenté de justifier les économies de papier et la sauvegarde des arbres permises par son service de signature électronique, le Jury a considéré que Docusign « n’apporte à cet égard que des explications approximatives » ne reflétant pas la réalité de la production du papier et notamment le fait que « les feuilles de papier peuvent être produites grâce à la récupération de chutes de bois de scieries ou avec des arbres qui ont été abattus dans un autre but que cette production, notamment au titre de l’entretien nécessaire à la bonne gestion de la forêt ». En outre, le Jury rappelle que « aucun élément justificatif n’est produit en ce qui concerne l’allégation générale « réduire les émissions carbone », alors que le recours au numérique ne constitue pas en soi une garantie en la matière et que, de surcroît, l’abattage d’arbres peut s’accompagner d’une replantation permettant le captage du CO2. »
En conclusion, le JDP a statué en la faveur de Two Sides, considérant que la publicité diffusée par Docusign contrevient à pas moins de 10 points de la Recommandation « Développement durable »[2] de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité.
Il est aujourd’hui établi que la bien mal nommée « dématérialisation » est un leurre, et que la communication numérique, sous ses différentes formes, a des impacts environnementaux croissants qui peuvent, selon les usages et ses modalités techniques, dépasser ceux du papier. Two Sides regrette que des entreprises telles que Docusign choisissent de communiquer sur des arguments environnementaux infondés et ignorent la performance environnementale du papier. « Dans le même temps, nous nous réjouissons de cet avis, qui constitue une sorte de jurisprudence », indique Pierre-Yves Bais, Président de Two Sides France. « Two Sides poursuivra son dialogue avec les entreprises qui utilisent ce type d’arguments pour les alerter sur les risques de greenwashing auxquels elles exposent leur marque et leur entreprise, risques confirmés aujourd’hui par cet avis du Jury de déontologie publicitaire ».
[1] https://www.jdp-pub.org/avis/docusign-internet/
[2] https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-de-deontologie/developpement-durable/