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Le gouvernement dans le sprint final pour sauver la papeterie Chapelle Darblay

Le papetier Fibre Excellence, avec l’aide de Veolia, porte la relance de cette usine qui a fermé il y a plus de quatre ans et laissé plus de 200 salariés sur le carreau. L’Etat est sous pression pour mener à bien, d’ici au 20 décembre, le financement de cette reconversion.

Cinq ans de lutte des employés, des années de travail pour Veolia et Fibre Excellence, le feuilleton du sauvetage de la papeterie Chapelle Darblay s’approche du dénouement. Si le gouvernement a bien l’intention d’en faire une fin heureuse, il ne lui reste que quelques jours pour trouver les 43 millions d’euros qui manquent pour financer l’un des dossiers emblématiques de la réindustrialisation et de l’économie circulaire. « C’est un dossier suivi de longue date à Matignon, nous voulons le voir aboutir », indique-t-on dans l’entourage du Premier ministre.

L’histoire mouvementée de la papeterie démarre dans les années 1930 près de Rouen, elle trébuche une première fois dans les années 1980 en frôlant de peu la fermeture après cent jours de grève. Plus de vingt ans après, un repreneur finlandais en 2019 jette l’éponge à son tour et licencie les 230 employés du site. Un trio de salariés ne désarme pas – un film leur sera même consacré. Avec l’aide du maire de Rouen et de la CGT, ils parviennent à susciter des projets de reprise.

En 2022, moult péripéties autour des candidats obligent la métropole de Rouen à jouer les arbitres et à préempter le terrain pour favoriser un attelage entre Veolia et le papetier français Fibre Excellence, filiale du groupe canadien Paper Excellence. Ces derniers s’engagent dans un projet de conversion lourde du site vers la production de carton, plus porteuse que celle de papier.

Tour de table financier

Deux ans après, le projet a certes fait quelques progrès mais la patience de ses promoteurs est à bout. Mi-novembre, Fibre Excellence a obtenu la dernière autorisation préfectorale qui lui manquait et le débat public est clos. L’ingénierie générale a elle aussi été conclue, mais le tour de table financier s’enlise.

Car, depuis 2022, les équations ont bougé. La facture de la relance du site a grimpé à 245 millions d’euros. Fibre Excellence, qui dégage 600 millions d’euros de chiffre d’affaires en France, a aujourd’hui besoin de 70 millions d’euros de fonds propres pour être en mesure de lever les 150 millions d’euros de dette nécessaires au financement du projet. Si sa maison mère canadienne est prête à mettre 27 millions de fonds propres, l’industriel réclame 43 millions aux pouvoirs publics pour boucler le financement, ou au moins une participation, afin de rassurer les partenaires privés potentiels comme des fonds.

Chez Veolia, on continue de croire à la vertu du projet. « La difficulté pour faire émerger une industrie circulaire consiste à obtenir que le fournisseur de la matière recyclable et l’utilisateur s’engagent à long terme. Pour Chapelle Darblay, c’est le cas, nous sommes prêts à alimenter Fibre Excellence pendant une dizaine d’années en grandes quantités de papier usager », indique le directeur général de Veolia France, Jean-François Nogrette. Ce spécialiste des déchets rappelle que la France trie mais exporte 80 % de ses déchets valorisables. La zone de Rouen et l’Ile-de-France proche représentent un gisement énorme de papier usagers que Chapelle Darblay pourrait transformer.

Ultimatum

Sauf que l’accord entre Veolia, qui fait aussi le portage foncier, et l’industriel arrive à échéance. Le groupe a racheté le terrain et l’installation en 2022 pour 15 millions d’euros, et le loue pour l’instant à Fibre Excellence dans un bail qui prend fin le 20 décembre. Il était prévu que le premier vende au second le site d’ici là, mais le blocage du projet gèle la transaction.

Voilà pourquoi Fibre Excellence fixe maintenant un ultimatum à l’Etat, jugeant que l’investissement de 3 millions d’euros par an qu’il a consacré à la mise en sécurité du site et aux tournées de présentation aux investisseurs, a assez duré. A Bercy, on assure être « combatifs pour boucler un tour de table avec des partenaires publics et privés ». Bpifrance, vers qui se tournent les protagonistes, reste pour l’instant aux abonnés absents. 

Lire : Les Echos du 30 novembre

Jean-Philippe Behr

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