Recommandations de lecture, traduction automatique, textes générés par intelligences artificielles… Les algorithmes sont déjà une réalité dans la chaîne du livre. Mais les avancées exponentielles dans le traitement des données ouvrent un horizon des possibles vertigineux pour les années à venir. Jusqu’à se substituer aux auteurs, prévoir les prochains best-sellers et diriger nos goûts et achats de lecteurs ? Enquête.
En février 2020, Tezuka Productions, le studio d’animation fondé par le mangaka Osamu Tezuka, annonce la parution de Paidon, nouvel opus du créateur d’Astro Boy. Pas de quoi chambouler le public au-delà des amateurs d’animés japonais ? L’information fait pourtant la Une de la presse tech et culture à l’international, pour une raison simple : Osamu Tezuka est mort en 1989, et Paidon a été mis au point principalement par une intelligence artificielle ayant digéré 65 œuvres du maître. Le constat aurait de quoi faire tomber de sa chaise n’importe quel professionnel du livre. Mais pas René Audet et Tom Lebrun, respectivement professeur titulaire et doctorant au département de littérature, théâtre et cinéma de l’université Laval (Québec) et auteurs, en octobre dernier, d’un Livre blanc sur l’intelligence artificielle dans le monde du livre.
« Il y a eu un vrai bond en avant, en 2012, dans les domaines du machine learning, une technologie d’intelligence artificielle qui permet aux ordinateurs d’apprendre sans avoir été programmés pour cela, en se nourrissant des données du Big Data, analysent-ils. Et depuis 2019-2020, nous sommes entrés dans une nouvelle période de progrès exponentiels, avec la mise au point de programmes de générations de texte qui ne sont pas parfaits, mais qui ont souvent l’apparence de la cohérence », précisent les deux chercheurs, citant le programme GPT-3 de la start-up californienne OpenAI, capable de continuer un roman en s’appropriant le style d’un auteur, ou encore le service de messagerie Gmail, de Google, et ses suggestions de rédaction intelligente…