Après Le Monde, c’est autour du quotidien du groupe Dassault d’augmenter ses prix ce lundi. Les difficultés du secteur de la distribution et l’effondrement du marché publicitaire pendant la crise affectent un secteur à l’économie déjà tendue.
Les conséquences de la crise sanitaire se font ressentir en kiosque. Alors que les journaux passent en général leurs augmentations de prix en début d’année, « Le Figaro » a annoncé que son prix de vente à l’unité grimpait ce lundi de 2,90 à 3 euros. Vendredi, « Le Monde » avait gonflé son tarif de 20 centimes, pour le porter au seuil symbolique des 3 euros lui aussi et pour les mêmes raisons. D’autres titres réfléchissent à des augmentations. Les Echos est en train de réviser sa « stratégie prix » pour la rentrée.
« La conjonction de nos difficultés de distribution et du recul de la publicité a bouleversé notre modèle économique. Afin de poursuivre notre mission éditoriale et de préserver nos moyens, nous sommes contraints d’augmenter de 10 centimes le prix de vente de votre Figaro quotidien », ont ainsi indiqué Marc Feuillée et Alexis Brézet, directeur général et directeur des rédactions du quotidien, dans un message aux lecteurs sur la « Une ».
Acheteurs occasionnels
Franchir le seuil des trois euros fait-il courir le risque de dissuader les lecteurs ? Les éditeurs espèrent que leur lectorat aisé peut l’absorber. « Nous ne faisons pas une croix sur les ventes en kiosques, dit Marc Feuillée aux « Echos ». Mais les usages changent et les acheteurs en kiosque sont devenus des occasionnels. Avec les kiosques numériques, les abonnements papier et en ligne, il y a désormais plusieurs tarifs, les choses ont changé, même si le prix en kiosque est symbolique ».
« Le Figaro » avait déjà augmenté son pack week-end avec ses magazines cet été. « Il n’y a pas d’impact, les ventes sont en hausse cet été, explique Marc Feuillée. C’est l’évolution de l’usage et la moindre taille du réseau de points de vente qui impactent les ventes à l’unité ». Au Figaro, les ventes en kiosques pèsent 15 % du total de la diffusion dont le revenu équivaut peu ou prou à celui de la publicité.
Pour Jean-Marie Charon, sociologue spécialiste des médias, cette hausse de prix traduit un changement stratégique. « Le Monde et le Figaro tentent de faire de leur version papier un produit de luxe. L’enjeu en termes de développement et de prix va se jouer au niveau du numérique », avance-t-il. Certains titres ont déjà davantage de revenus numériques que de chiffre d’affaires papier. C’est le cas du « New York Times » . Mais pour beaucoup de patrons de presse, le print reste essentiel à l’économie du titre, avec notamment « une publicité papier qui reste statutaire et donc importante », dit Pierre Louette, patron des Echos-Le Parisien. Les ventes en kiosques restent en outre bénéficiaires si le prix prend en compte une production et une distribution qui coûtent cher.
La pub papier « statutaire »
Les difficultés du distributeur de presse Presstalis , au printemps, ont en tout cas été un coup dur pour les éditeurs. Ils « ont perdu 120 millions d’euros de créances (75 % pour les magazines, 25 % pour les quotidiens) qu’ils ne reverront pas et ce avant contribution au plan de restructuration », expliquait Sophie Gourmelen, directrice du « Parisien », aux Echos au mois de juin.
L’effondrement du marché publicitaire s’est superposé à ces difficultés. Au début de la crise du coronavirus, les annonceurs ont annulé en masse leurs campagnes. D’après le 24e Observatoire de l’e-pub, même les recettes publicitaires digitales ont reculé de 8 % au premier semestre 2020 .