L’augmentation de capital permet de désendetter les titres du groupe Ebra (dont « Les Dernières Nouvelles d’Alsace », « Le Progrès »…), alors que les taux d’intérêt ont flambé. Environ un tiers de ce montant est destiné à financer des projets futurs.
Une recapitalisation qui optimise la structure financière d’Ebra et lui donne des moyens nouveaux pour se développer, mais qui cristallise aussi l’addition salée que représentent, pour le Crédit Mutuel, ses aventures dans la presse régionale. Selon les informations de la « Lettre A » confirmées par nos sources, la banque aurait ainsi recapitalisé d’environ 458 millions d’euros le groupe de PQR installé dans l’est de la France, qui détient notamment les « Dernières Nouvelles d’Alsace », le « Républicain Lorrain », le « Dauphiné Libéré » ou encore « Le Progrès ».
Une opération d’envergure, qui vient apurer les comptes des différents journaux régionaux concernés, après des années d’une transformation coûteuse. Selon la « Lettre A », 20 millions d’euros auraient notamment été alloués au « Progrès », 7 millions d’euros aux « Dernières Nouvelles d’Alsace », tandis que « L’Est Républicain » et « Le Républicain Lorrain » auraient vu leurs dettes épongées, pour respectivement 67 et 80 millions d’euros.
Selon le président du groupe Ebra, Philippe Carli , cette recapitalisation a permis, pour les deux tiers, de rembourser la dette, d’effacer les comptes courants associés et de remettre le capital social dans le vert, et pour le dernier tiers à soutenir le développement futur.
Flambée des taux
Selon lui, cet apport n’est donc pas lié à de nouvelles difficultés économiques, mais constitue l’aboutissement d’un processus de transformation engagé depuis son arrivée en 2017. « Nous avions accumulé au cours des années une dette vis-à-vis du Crédit Mutuel. Celui-ci a fait, pendant plusieurs années, des apports réguliers d’argent en comptes courants associés pour couvrir les pertes d’exploitation, et financer la transformation et la restructuration du groupe entre 2018 et 2021, entraînant des besoins de trésorerie », explique-t-il.
Ebra a notamment dû investir dans sa transformation digitale et financer un plan de départs, en 2018. « La transformation étant terminée, et le groupe désormais dans une dynamique de développement, nous avons souhaité achever la transformation par cette restructuration financière, en faisant une augmentation de capital », indique-t-il.
L’effacement des dettes soulagera les comptes des journaux du groupe, alors que les taux d’intérêt ont flambé. « Cette opération s’est imposée du fait des taux d’intérêt », juge le banquier d’affaires Jean-Clément Texier, fin connaisseur du secteur de la PQR. Ebra peut ainsi aller de l’avant. Le groupe a notamment réalisé en 2022 l’acquisition du groupe de presse numérique Humanoid, dans lequel il devrait continuer à monter au capital, et s’est aussi diversifié dans l’événementiel.
Plus de 1 milliard d’euros investis
Grâce à ses efforts de transformation et de maîtrise des coûts, le groupe a affiché en 2022 un excédent brut d’exploitation positif, même si le résultat net restait négatif. Comme le reste de la PQR, la société a toutefois fait face à des vents contraires, avec la flambée des prix du papier et de l’énergie, à laquelle se sont ajoutées les difficultés de recrutement de porteurs et celles du marché publicitaire. Autant de facteurs qui expliquent un recul des résultats fin juin 2023, par rapport au premier semestre 2022, selon le Crédit Mutuel.
Après avoir dépensé plus de 1 milliard d’euros dans la presse depuis 2006, selon une audition parlementaire de son président Nicolas Théry en janvier 2022, entre les acquisitions et les divers renflouements, la banque confirme donc son engagement dans cette activité onéreuse.