C’est une première mondiale, l’Union européenne a validé un projet de régulation de l’intelligence artificielle, l’IA Act, dans lequel elle demande plus de transparence aux industriels qui la génèrent, mais pas dans un domaine largement ignoré et pourtant très coûteux : sa facture environnementale.
Ce qu’on appelle les intelligences artificielles, et notamment les grands modèles de langages (comme ChatGPT) qui permettent notamment de générer du texte, impliquent des millions d’heures de calculs informatiques. Et donc une grande quantité d’électricité et avec cette électricité qui est encore rarement renouvelable, autant de gaz à effets de serre, que ce soit pour chaque ordinateur ou pour les plus de 8 millions de centres de données dans le monde. À cela, il faut ajouter une grande quantité d’eau pour refroidir ces grands centres et un nombre colossal de matériaux rares doublé d’une pollution électronique importante.
Une pollution conséquente
En 2019, une équipe de l’université du Massachusetts avait ainsi calculé que le simple entrainement d’une IA équivalait en termes de CO2 aux émissions de 205 aller-retour paris New York en avion. L’année dernière, une autre étude de l’université américaine du Colorado avait calculé que poser 25 questions à ChatGPT coûtait un demi-litre d’eau douce ; de quoi atteindre des millions de litres si vous multipliez cela par ses 200 millions d’utilisateurs de cet outil.
Pourtant, ce ne sont que des estimations. L’Université de Stanford située dans la Silicon Valley aux États-Unis a montré en juin 2023 en comparant 10 modèles d’IA qu’il est finalement impossible de calculer leur empreinte environnementale réelle et ce, faute de données normées. Ce que demande Laurence de Villers, elle est professeur en intelligence artificielle à la Sorbonne Université et coautrice d’un rapport du comité consultatif national d’éthique sur le sujet.
En juillet 2023, lorsqu’elle a remis son rapport au gouvernement français, ce dernier a préféré fermer les yeux sur le coût environnemental réel des IA de peur de freiner la création de futurs champions européens de l’IA. Dans le même temps les autorités ont rendu obligatoire une formation aux enjeux environnementaux pour tous les ingénieurs formés en France avec l’objectif d’alerter les futurs faiseurs d’IA sur le coût colossal de ces outils numériques qui selon l’Ademe et l’Arcep devrait générer 50 millions de tonnes de CO2 en 2050 en France soit trois fois plus qu’aujourd’hui. D’où l’urgence de le faire savoir aux utilisateurs ; Gilles Sassatelli est le président du conseil scientifique du CNRS en sciences informatiques qui vient de rendre un rapport sur les impacts sociétaux des IA.
Ce document met l’accent sur l’importance des choix de sociétés nécessaires à lancer sur ces technologies. Poser la question du bénéfice humain associé peut sembler avéré dans certains domaines, notamment la santé, mais il est moins évident dans d’autres comme la surveillance automatique, surtout au regard de sa facture climatique exponentielle.
Lire : France Culture du 22 février