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Le champion de l’édition juridique Lefebvre Dalloz se transforme avec l’IA

En s’appuyant sur l’intelligence artificielle générative et son catalogue de contenus, le groupe veut passer d’un modèle économique d’éditeur juridique à celui d’une entreprise de services à valeur ajoutée. Pour marquer cette nouvelle ère, la société change de nom et de gouvernance.

Le sempiternel Code à la couverture rouge Dalloz figure toujours en bonne place dans les séries TV ou films mettant en scène avocats ou fiscalistes. Mais c’est bien du futur dont se préoccupe le groupe derrière ces manuels professionnels : Lefebvre Sarrut, le champion tricolore de l’édition juridique, fiscale et comptable, qui opère en France sous la marque Lefebvre Dalloz, veut miser sur les nouvelles technologies, et notamment l’IA, pour continuer à se développer.

« L’intelligence artificielle générative s’apparente à la fois à la conquête de l’Ouest et à une course de vitesse. Nous nous mettons en ordre de bataille pour prendre de l’avance dans le domaine », explique Benoît Sillard, président du conseil de surveillance. Le groupe va lancer en début d’année prochaine de nouveaux produits dopés à l’IA générative, et faire évoluer son modèle d’éditeur à une entreprise de services.

Nouveau nom

Cela se traduira également par un changement de gouvernance : à compter du premier trimestre 2025, la société fonctionnera avec un conseil d’administration et recrutera un nouveau directeur général Europe avec le départ à la retraite d’Olivier Campenon qui occupait ce poste.

Né en 1999 du rapprochement entre les familles Lefebvre (dont les racines remontent au XIXe siècle) et Sarrut (ayant fondé les éditions législatives en 1947), qui possèdent respectivement 75 % et 25 % du capital, Lefebvre Sarrut compte symboliser ces changements en se rebaptisant « Groupe Lefebvre ».

L’éditeur a déjà posé des premiers jalons dans sa conversion à l’IA générative. Il y a un an, il lançait en Espagne GenIA-L, un module de recherche s’appuyant sur son vaste catalogue de contenus, disponible en France depuis le mois d’avril.

La concurrence des legaltechs

« Nous avons plus d’un million de pages en langue française et il ne s’agit pas de données primaires mais de contenus secondaires, c’est-à-dire de la jurisprudence commentée où nos experts dissèquent la doctrine, détaille Ketty de Falco, présidente du groupe en France. Et il n’y a aucune open data, tout le contenu nous appartient et a été vérifié. »

L’éditeur du Code civil espère ainsi se différencier des nouvelles start-up spécialisées dans le droit, comme Doctrine, qui a développé une plateforme d’IA juridique et revendique 10 millions de décisions de justice agrégées. La legaltech est actuellement en conflit judiciaire avec Lefebvre Sarrut et quatre autres éditeurs spécialisés.

GenIA-L s’est pour l’heure traduit par la vente de plus de 20.000 licences en France (30.000 en tout sur le Vieux Continent), dont les abonnements annuels sont facturés entre 1.200 et 4.800 euros. Après cette première incursion dans l’IA générative, le groupe s’apprête à enclencher la seconde.

« Une transformation profonde »

« Nous n’allons pas nous contenter de la fonction recherche. Lors du premier trimestre de 2025, nous allons lancer des modules de production. On ne veut pas juste fournir du contenu aux professionnels mais un vrai assistant IA qui vérifie l’information juridique et sa conformité avec la loi, expose Ketty de Falco. L’idée n’est pas de comparer simplement deux actes juridiques, mais d’analyser un contrat et sa conformité avec la loi en miroir, comme un contrat de travail par rapport à la convention collective en vigueur du secteur. »

Dans le détail, Lefebvre Sarrut s’est appuyé sur des modules d’IA développés en interne pour identifier les documents pertinents dans sa base, ainsi que sur GPT-4 pour générer les réponses. « Nous voulons vite passer d’un modèle économique d’éditeur juridique à celui d’une entreprise de services à valeur ajoutée, met en perspective Benoît Sillard. L’objectif est qu’à moyen terme, la moitié de nos revenus proviennent de nos nouvelles activités IA. A plus long terme, celles-ci représenteront 90 % de notre chiffre d’affaires qui va se développer car l’IA élargit notre marché. »

Acquisitions

Cinquième éditeur français en matière de revenus, selon « Livres Hebdo », et 34e acteur mondial d’après « Publishers Weekly » , le groupe employant 2.500 salariés a généré 555 millions d’euros de revenus en 2023. La France représente 54 % de ses revenus, devant les Pays-Bas (12 %) et l’Italie (11 %).

Ferraillant avec des rivaux comme LexisNexis, Karnov ou Wolters Kluwer, le groupe s’est fortement développé via la croissance externe, dont Dalloz en 2005 ou El Derecha en 2010. « Nous allons poursuivre les rachats nous permettant d’acquérir du contenu », conclut Benoît Sillard.

Lire : Les Echos du 17 décembre

Jean-Philippe Behr

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