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« Le Canard enchaîné » se jette enfin dans la grande mare d’Internet

Longtemps réticent à publier ses articles sur le Web, l’hebdomadaire satirique lance son premier vrai site d’actualité. La baisse de la diffusion avec la fermeture progressive des kiosques impose ce virage au journal, qui espère élargir son bassin de lecteurs, avec des abonnements numériques dédiés.

Le « Canard enchaîné » a fini par céder aux sirènes du numérique. Longtemps réfractaire à l’idée de mettre ses informations en ligne, de peur de cannibaliser ses ventes papier, l’hebdomadaire satirique a lancé ce mardi son premier véritable site d’actualité. Jusque-là, il se contentait de proposer en ligne seulement quelques contenus très restreints et une boutique pour s’abonner.

« Pendant longtemps, nous avions d’excellentes ventes papiers. Il y avait beaucoup de kiosques et nous n’avons pas de publicité. Il n’y avait donc aucune nécessité économique pour nous d’aller sur le numérique », rappelle Erik Emptaz, le directeur de la publication et président des Editions Maréchal-Le Canard Enchaîné.

L’effet Covid

La crise du Covid a poussé le journal à faire un premier pas, en lançant dans l’urgence, en 2020, une édition numérique ensuite améliorée, avec une application mobile, permettant au journal de compter aujourd’hui environ 11.000 abonnés purement numériques (à ajouter à 10.000 abonnés print et numérique, sur un total d’environ 85.000 abonnés selon le journal).

La baisse de la diffusion, à – 11,5 % en 2023 par rapport à 2022, pour 250.000 exemplaires moyens selon le journal, a contraint le « Canard enchaîné » – dont la maquette est presque immuable depuis plus d’un siècle – à lancer enfin sa transition numérique. Après des premières réflexions en 2022, l’hebdomadaire a décidé de franchir le pas et a investi 350.000 euros sur deux ans – hors salaires – dans ce projet.

Les scoops publiés dès que possible

Une équipe Web de quatre personnes a été recrutée pour veiller au bon fonctionnement du site, qui reprend l’identité graphique du journal et se nourrit de ses dessins et articles, rédigés par les mêmes journalistes – 25 hors pigistes – qui écrivent pour le journal.

Ces contenus sont rendus disponibles dès le mardi soir pour les abonnés, puis sont égrenés au fil de la semaine en ligne pour les non-abonnés, avec un accès payant généralisé. Les scoops qui ne peuvent pas attendre la parution hebdomadaire seront publiés dès que possible, pour éviter qu’ils ne paraissent chez des confrères.

Des articles et des dessins qui n’ont pas pu trouver leur place dans la parution papier complètent aussi le site, qui sera progressivement enrichi avec les archives de cette publication lancée en 1915. Le « Canard » veut également, dans un second temps, publier davantage de contenus spécifiques au web, comme il le fait sur Instagram avec des vidéos courtes historiques proposées à ses 90.000 followers, ou en s’aventurant plus tard dans les podcasts.

« Notre premier objectif, c’est d’amener de nouveaux lecteurs », résume Erik Emptaz. « On est bien sûr à la recherche d’un rajeunissement de notre lectorat, qui n’est toutefois pas si âgé qu’on le pense », ajoute-t-il. L’abonnement numérique est proposé à 4,90 euros par mois (contre 5,70 euros mensuels pour l’abonnement papier). Une offre promotionnelle pour les étudiants sera bientôt lancée.

Trésor de guerre

« Nous sommes assez sages pour ne pas avoir fixé d’objectifs chiffrés. On se doute bien qu’on ne va pas d’un coup de baguette magique conquérir des dizaines de milliers d’abonnés, c’est un long travail, souligne Hervé Liffran, administrateur délégué des Editions Maréchal-Le Canard Enchaîné. L’investissement que nous faisons est mesuré et avec l’argent mis de côté depuis des années, ce n’est pas un problème pour nous ».

Le « Canard », qui continue de renforcer sa rédaction avec trois recrutements en cours, a renoué avec les bénéfices en 2023, malgré une perte d’exploitation qui s’est creusée à 1,5 million d’euros environ (contre 900.000 euros en 2022). Le journal profite du produit de ses placements financiers. Il est en outre assis sur un trésor de guerre de plus de 130 millions d’euros.

Le lancement du nouveau site se fait alors qu’approche une échéance assez délicate pour le journal. Le procès de deux de ses anciens dirigeants, notamment pour abus de bien sociaux, doit se tenir à partir du 8 octobre prochain, dans l’affaire de l’emploi présumé fictif de l’épouse du dessinateur André Escaro. Les responsables actuels du journal estiment qu’il n’y a pas eu de pertes financières dans cette affaire.

 

Lire : Les Echos du 25 septembre

 

Jean-Philippe Behr

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