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L’antitrust suisse condamne Gallimard pour « abus de pouvoir de marché »

Il y a deux ans, les librairies Payot, principal réseau en Suisse romande, avaient porté plainte contre le groupe Madrigall (Gallimard, Flammarion…) auprès de la Comco. En cause : les prix pratiqués par l’éditeur français.

La sanction est tombée pour le groupe Madrigall (Gallimard, Flammarion) de l’autre côté des Alpes suisses. Ce jeudi, la Comco, l’autorité suisse de la concurrence, a condamné le poids lourd français de l’édition pour « abus de pouvoir de marché ». Un verdict synonyme de victoire pour Payot – le principal réseau de libraires en Suisse romande où près de 80 % des livres vendus proviennent de France -, dont l’ex-PDG et désormais retraité, Pascal Vandenberghe, a porté l’affaire jusqu’au bout devant l’antitrust suisse.

Il y a deux ans, celui-ci était parti en guerre contre les « tabelles » – c’est-à-dire le « surcoût » imposé par certains diffuseurs sur le prix d’un livre français en Suisse. « Les prix d’achat qu’imposent les principaux diffuseurs français à un groupe comme Payot sont supérieurs de 50 à 70 % par rapport à leurs tarifs appliqués en France », souligne un bon connaisseur du marché suisse, où il n’existe pas de loi sur le prix unique du livre comme en France.

« Madrigall exige de Payot des prix bien plus élevés que ceux habituels en France. Payot ne dispose pas de sources d’approvisionnement alternatives suffisantes et raisonnables. Renoncer à la vente de livres Madrigall ne constitue pas non plus une option réaliste. Payot est ainsi dépendant de Madrigall. Dans ce contexte, la Comco juge les prix d’achat proposés par Madrigall à Payot comme abusifs », expose l’antitrust suisse dans sa décision où elle impose à Madrigall de « permettre à Payot de s’approvisionner directement aux conditions usuelles en France ».

Une décision qui ne pas va concerner que Madrigall

« C’est la décision que Payot attendait et celle-ci va aussi faire jurisprudence pour les autres groupes français qui ont des pratiques semblables à Madrigall, comme Interforum (Editis) ou Média-Participations », souligne un expert du marché suisse de l’édition.

« Les dispositions relatives au pouvoir de marché relatif s’appliquent en principe à toutes les maisons d’édition. Il n’est ainsi pas exclu que d’autres enquêtes suivent. Dans la présente décision, la Comco explique comment elle interprète et applique les nouvelles dispositions. Les autres maisons d’édition peuvent s’en inspirer. Dans ce sens, la décision peut avoir un effet préventif », fait ainsi valoir l’antitrust suisse.

Madrigall peut faire appel

Longtemps, les principaux éditeurs français ont eu le même type de pratiques en Belgique, avant que la loi sur le prix du livre de 2021 ne les contraigne à changer leur fusil d’épaule. En Suisse, ce sujet est une Arlésienne. « Les libraires souffrent de ces tabelles trop élevées parce qu’elles sont injustifiables auprès des acheteurs », avait déclaré, Pascal Couchepin – alors ministre suisse de l’« Intérieur » (Affaires sociales, Education, Culture) – en… 2003. Mais les tentatives de mettre, depuis, en place un prix unique du livre en Suisse ont avorté.

Désormais, le groupe Payot va aussi potentiellement pouvoir s’appuyer sur la décision de la Comco pour porter l’affaire devant une juridiction civile suisse et demander des dommages et intérêts à Madrigall. De son côté, la société française a la possibilité de faire appel de la décision de l’antitrust devant le Tribunal administratif fédéral suisse.

Lire : Les Echos du 21 novembre

Jean-Philippe Behr

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