Un amendement au projet de loi de finances propose de doter un fonds de soutien à la presse de 5 millions d’euros. Cela ne suffira pas pour couvrir la flambée du prix du papier. L’Apig craint un surcoût pour la filière pouvant tutoyer les 175 millions d’euros, selon nos calculs.
Le surcoût lié à la hausse du prix du papier s’envole, selon l’Alliance de la presse d’information générale (Apig). L’organisation, qui l’estimait initialement à 100 millions d’euros pour la filière en un an, voit l’addition augmenter de mois en mois. « Au premier trimestre 2021, la tonne se vendait à 400 euros, un niveau assez bas, mais depuis, la hausse est massive », insiste son directeur général, Pierre Petillault.
Le tarif frôle les 900 euros en moyenne au troisième trimestre 2022, soit 500 euros de plus par tonne que début 2021 et 120 millions d’euros au total pour la filière, qui consomme 250.000 tonnes de papier par an. « On s’attend à ce que le surcoût atteigne 600 voire 700 euros dans les mois à venir », prévient-il. L’impact de cette flambée, avant tout liée au choix des papetiers d’arrêter la production de papier journal au profit des emballages, serait alors de 150 voire 175 millions d’euros pour le secteur.
Avec de telles perspectives, l’Apig réclame l’aide de l’Etat. Bercy et Matignon auraient accepté de créer un fonds de soutien pour la filière, selon « La Lettre A ». Dans la foulée, le député Denis Masséglia (Renaissance) a déposé un amendement au projet de loi de finances, proposant de le doter de 5 millions d’euros par an, avec le soutien du groupe Renaissance (celui de Bercy est en discussion).
Cette aide exceptionnelle, qui sera examinée vendredi en commission des Finances, devrait être corrélée au tonnage de papier consommé par les éditeurs. L’Apig se réjouit de l’initiative, mais déplore le faible budget prévu.
Echec du crédit d’impôt
L’Alliance réclame de prendre pour base les montants alloués pour le crédit d’impôt en faveur des abonnements à la presse, voté à l’été 2020 mais qui n’a jamais trouvé son public. « Budgété à 60 millions d’euros par an, l’Apig estime que le coût réel de ce crédit d’impôt pourrait ne pas dépasser le million d’euros », indique un autre amendement de Denis Masséglia, qui a supprimé ce mécanisme.
Dans un courrier adressé par l’Apig au gouvernement, que nous nous sommes procuré, celle-ci propose de « réaffecter les montants correspondants à un dispositif de bouclier tarifaire ». Le syndicat de la presse indépendante d’information en ligne réclame plutôt le réaménagement du crédit d’impôt.
Quoi qu’il en soit, « sans un soutien résolu des pouvoirs publics, la perspective pour les éditeurs en 2023 est de devoir restructurer à nouveau l’ensemble de leurs organisations, y compris les rédactions », a prévenu l’Apig dans sa lettre. Selon nos sources, le poste de charge papier serait passé de 7 % à 14 % du chiffre d’affaires chez certains éditeurs.
Réductions de pagination
« Tous les titres sont exposés, mais la presse quotidienne régionale – PQR – plus encore car ce sont des publications à forte pagination, avec des éditions multiples », relève le banquier d’affaires et président de Ringier France, Jean-Clément Texier. « Depuis la pandémie, beaucoup d’éditions locales ont été regroupées ou ont vu leur pagination baisser », note-t-il. « Actuellement, nos journaux sont en moyenne de 54 pages, nous avons légèrement diminué notre pagination en raison de la hausse du papier », admet Jean-Louis Pelé, PDG du groupe Nice-Matin. Des journaux plus petits, comme les « Nouvelles Calédoniennes », arrêteront même bientôt leur édition quotidienne papier, au profit d’une édition numérique.
Des hausses de prix ont aussi été pratiquées par la presse nationale et régionale. Mais le lectorat des titres de PQR, dont le prix reste bas, y est très sensible. Autre piste : améliorer les circuits de distribution et optimiser les outils industriels pour réduire les frais. Nice-Matin et La Provence mutualiseront ainsi une imprimerie dans le Var, opérationnelle en 2024.
Certains partent malgré tout à l’offensive. « La PQR fait preuve d’audace en lançant son magazine télé, ‘Diverto’, à la place de l’ancien ‘TV Mag’ », salue Jean-Clément Texier. La diversification, bien entamée chez certains médias comme « Le Télégramme », qui organise la Route du Rhum, offre aussi des relais de croissance. Mais c’est surtout la transition numérique qui dessine un horizon de sortie. En attendant, rappelle Pierre Petillault, « une grande partie des revenus reste liée au papier ».
Lire : Les Echos du 19 octobre