CCFI

La poésie fait un retour en force auprès des lecteurs

Depuis quelques années, les ventes de recueils de poésie connaissent une forte hausse. En cause : un format court et efficace qui séduit les jeunes lecteurs et une nouvelle génération de poètes qui, après s’être constitué une communauté sur les réseaux sociaux, passent au format livre en attirant un nouveau lectorat.

Jugée trop élitiste, ou trop obscure, la poésie était depuis les années 1970 le parent pauvre du marché du livre. Seuls les recueils de poésie classique attiraient encore un lectorat d’étudiants et de spécialistes, tandis que la poésie contemporaine était publiée à perte par la petite centaine de maisons d’édition indépendantes qui se partagent le marché.

La poésie était devenue un genre littéraire de niche, publié par des initiés pour des initiés, et se maintenait grâce aux subventions publiques et au travail d’éditeurs passionnés. « Il y a encore une douzaine d’années, le tirage moyen d’un livre de poésie en France était de 600 exemplaires. Au-delà de 800, on parlait d’un succès », rappelle le poète et éditeur Bruno Doucey.

Mais depuis quelques années, la tendance s’inverse : les ventes de recueils de poésie ont augmenté de 17 % entre 2022 et 2023, et de 18 % entre 2023 et 2024 (Observatoire de la librairie du Syndicat de la librairie française). Cette hausse pourrait permettre aux poètes de vivre davantage de leurs créations alors qu’ils dépendent encore d’autres activités comme les ateliers d’écriture ou la formation.

Rupi Kaur, poétesse canadienne au succès mondial, triomphe, elle, avec plus de 300.000 recueils vendus en France, tandis que « Mes Forêts » d’Hélène Dorion, première poétesse contemporaine inscrite au programme du bac de français, est en passe d’atteindre les 100.000 exemplaires vendus.

Un regain d’intérêt des lecteurs

Selon Bruno Doucey, « une redécouverte des poésies de l’ailleurs, notamment des territoires de la francophonie comme le Québec, la Suisse, la Belgique ou l’Afrique, mais aussi une mise en valeur de la parole féminine » sont venus redynamiser l’offre poétique.

Parmi les grandes figures actuelles, la québécoise Hélène Dorion côtoie ainsi le franco-camerounais Marc-Alexandre Oho Bambe ou la suisse Colette Nys-Mazure. On assiste aussi à une « hybridation des formes de la poésie, avec la popularisation des romans en vers ou le succès d’Arthur Teboul, le chanteur du groupe Feu ! Chatterton, dont le premier recueil ‘le Déservoir’ a connu un grand succès ».

Frédéric Brun, directeur des éditions Poesis, voit aussi dans ce regain d’intérêt des lecteurs le reflet des « temps difficiles que l’on traverse, qui donnent envie aux gens d’éprouver des émotions positives par l’intermédiaire de la poésie. » Il souligne que le format court, efficace et intime du poème répond aussi aux attentes d’un public habitué aux réseaux sociaux, dont le temps d’attention est réduit et qui souhaite s’évader rapidement.

Un lectorat rajeuni par les réseaux sociaux

Certaines poétesses comme Rupi Kaur (4,5 millions d’abonnés sur Instagram) ont d’ailleurs commencé par se faire connaître en postant des poèmes sur les réseaux sociaux. Lorsqu’elle a publié son premier recueil « Milk and Honey » en 2014, sa communauté l’a suivie dans les librairies, avec à la clé plus de 6 millions d’exemplaires vendus dans le monde.

« On assiste au retour d’une poésie qui s’empare d’une langue et de sujets quotidiens, un peu à la Francis Ponge. Rupi Kaur parle de maltraitance, d’amour et de féminité, avec très peu de contraintes stylistiques », explique Caroline Babulle, directrice presse de Robert Laffont (la maison d’édition qui traduit les recueils de Rupi Kaur en France). De quoi fidéliser un lectorat plus jeune et principalement féminin, avec lequel la poétesse entretient un rapport étroit via ses réseaux sociaux.

« Ce sont des autrices qui n’auraient jamais pu imaginer écrire un livre, et qui pourtant voient le fait d’être publiées comme une consécration. Cela montre que l’objet livre veut encore dire quelque chose, même pour une génération qui semble l’avoir laissé de côté », estime Caroline Babulle.

 

Lire : Les Echos du 5 août

 

Jean-Philippe Behr

Nos partenaires

Demande d’adhésion à la CCFI

Archives

Connexion

Vous n'êtes pas connecté.

Demande d’adhésion à la CCFI