CCFI

« La multiplication des écrans engendre une décérébration à grande échelle »

Pour le neuroscientifique Michel Desmurget, laisser les enfants et les adolescents face à des écrans relève de la maltraitance. Il alerte sur ce qu’il considère comme un problème majeur de santé publique.

Michel Desmurget dirige, au CNRS, une équipe de recherche sur la plasticité cérébrale. Il vient de publier La Fabrique du crétin digital. Les dangers des écrans pour nos enfants (Seuil, 425 pages, 20 euros).

En se fondant sur la littérature scientifique disponible, le neuroscientifique y détaille les effets de l’omniprésence des outils numériques sur la cognition, le comportement et le bien-être des enfants.

Vous abordez dans votre livre les différents types d’écrans classiques, les jeux vidéo, etc. Qu’est-ce qui est le plus délétère pour l’enfant ?

C’est la convergence de tout cela. De nombreuses études mettent en évidence l’impact des écrans, quels qu’ils soient, sur des retards dans le développement du langage, sur le sommeil et l’attention. Le cerveau – surtout lorsqu’il est en construction – n’est pas fait pour subir ce bombardement sensoriel.

Quelles sont les données disponibles sur le temps d’écran ?

Le temps d’écran n’est pas seulement excessif, il est extravagant. Aux Etats-Unis, on est à près de trois heures par jour à 3 ans, quatre heures quarante entre 8 et 12 ans et six heures quarante entre 13 et 18 ans. En France, les enfants de 6 à 17 ans passaient en moyenne, en 2015, quatre heures et onze minutes par jour devant un écran, selon l’étude Esteban menée par Santé publique France. D’autres données diffèrent un peu, mais elles sont toutes dans des fourchettes équivalentes, et, dans tous les cas, dans des proportions…

Lire : Le Monde du 23/10/19 page 8

Le site du Seuil

La consommation du numérique sous toutes ses formes – smartphones, tablettes, télévision, etc. – par les nouvelles générations est astronomique. Dès 2 ans, les enfants des pays occidentaux cumulent chaque jour presque 3 heures d’écran. Entre 8 et 12 ans, ils passent à près de 4 h 45. Entre 13 et 18 ans, ils frôlent les 6 h 45. En cumuls annuels, ces usages représentent autour de 1 000 heures pour un élève de maternelle (soit davantage que le volume horaire d’une année scolaire), 1 700 heures pour un écolier de cours moyen (2 années scolaires) et 2 400 heures pour un lycéen du secondaire (2,5 années scolaires).
Contrairement à certaines idées reçues, cette profusion d’écrans est loin d’améliorer les aptitudes de nos enfants. Bien au contraire, elle a de lourdes conséquences : sur la santé (obésité, développement cardio-vasculaire, espérance de vie réduite…), sur le comportement (agressivité, dépression, conduites à risques…) et sur les capacités intellectuelles (langage, concentration, mémorisation…). Autant d’atteintes qui affectent fortement la réussite scolaire des jeunes.
« Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle », estime Michel Desmurget. Ce livre, première synthèse des études scientifiques internationales sur les effets réels des écrans, est celui d’un homme en colère. La conclusion est sans appel : attention écrans, poisons lents !

Michel Desmurget est docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm. Il est l’auteur de TV Lobotomie (Max Milo, 2011) et de L’Antirégime (Belin, 2015), qui ont tous deux remporté un large succès public.

Pascal Lenoir

Nos partenaires

Demande d’adhésion à la CCFI

Archives

Connexion

Vous n'êtes pas connecté.

Demande d’adhésion à la CCFI