Emmanuel Macron s’est engagé à replanter « 1 milliard d’arbres » pour faire face au réchauffement climatique. Une promesse qui soulève encore de nombreuses questions.
« Replanter 1 milliard d’arbres, on le fera ! » Dans une vidéo postée fin janvier où il détaille la feuille de route écologique de la France , Emmanuel Macron a réitéré une de ses promesses : renouveler environ 10 % de la forêt française d’ici à dix ans pour faire face au changement climatique. Cette stratégie forestière devrait être finalisée au printemps.
Scientifiques, ingénieurs, forestiers, propriétaires privés, entrepreneurs de travaux, pépiniéristes, ONG… Tous les acteurs de la filière ont été réunis une première fois la semaine dernière, avec les services de l’Etat des ministères de l’Agriculture, de l’Ecologie et de l’Industrie. Le groupe de travail doit rendre ses réflexions début mai.
Chantier prioritaire
S’adapter au réchauffement tout en satisfaisant la filière bois , l’équation est complexe. « Nous avons une vision partagée, un dénominateur commun : la gestion durable des forêts », assure l’expert forestier Sylvestre Coudert, qui préside le groupe de travail. Mais une longue liste de questions est encore en suspens : définir les surfaces concernées, les essences à utiliser, les financements à mobiliser, « reprendre en main les biens vacants », lutter contre le morcellement de la forêt privée ou évaluer les spécificités des forêts d’Outre-mer.
Le réchauffement met déjà à mal la forêt. Le pays a beau n’avoir jamais été aussi boisé depuis le Moyen Age, avec 17 millions d’hectares (aux trois quarts privés) et 11,5 milliards d’arbres en métropole, ces chiffres ne disent pas leur état. L’été dernier reste dans toutes les têtes : des dizaines de milliers d’hectares partis en fumée, avec pour conséquence des émissions de CO2 record depuis au moins vingt ans. Le manque de pluie a desséché les écosystèmes et les vagues de chaleur ont été déterminantes.
L’Office national des forêts (ONF) pense qu’à l’échéance de moins d’une génération, un tiers de la forêt sera affecté par la hausse des températures. Au même titre que l’eau , l’exécutif a donc fait de la forêt un « chantier prioritaire » de la planification écologique. Car la forêt joue un rôle majeur de « capteur » de CO2.
Or, depuis dix ans, la capacité des forêts françaises à stocker le carbone « s’effondre », selon le Haut Conseil pour le climat, avec une baisse de 48 % entre 2010 et 2020. En cause : une baisse de la production biologique, un bond de la mortalité liée entre autres à des insectes ravageurs et une hausse des prélèvements. Le chef de l’Etat l’a reconnu lui-même : « Très clairement, nos puits de carbone ne sont pas au rendez-vous. »
« Finance carbone »
« Dire qu’on va planter des arbres ne change pas le problème car il faut des dizaines d’années à un arbre qu’on vient de planter pour commencer à absorber une quantité suffisante de carbone », prévient toutefois Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de l’association Canopée. Il craint des coupes importantes pour répondre à l’ambition présidentielle. « C’est l’inverse de ce qu’on doit faire. Dans la palette du forestier, la plantation n’est qu’une option. Elle doit se faire dans les situations où il n’y a pas d’autres choix, comme les dépérissements liés aux scolytes », ces coléoptères qui attaquent les épicéas.
« Le milliard d’arbres, c’est très bien », juge pour sa part le président de la Fransylva, la fédération des forestiers privés, Antoine d’Amécourt. Mais il « tire la sonnette d’alarme » : les pépiniéristes n’ont pas les graines pour faire les plants. « Si on veut planter 1 milliard d’arbres en diversifiant les essences, il faut développer d’autres vergers à graines », dit-il.
Afin d’aider les propriétaires privés à replanter, notamment pour reconstituer les forêts incendiées, le gouvernement a prévu pour cette année une enveloppe de 150 millions d’euros issue du plan « France 2030 ». Le cahier des charges qui doit définir les critères et les conditions de reboisement – il pourrait y avoir des restrictions sur les coupes rases – devrait être précisé d’ici peu, avant l’ouverture d’un guichet.
Pour la suite, Emmanuel Macron avait évoqué à l’automne un cadre de financement « reposant sur la finance carbone », la mobilisation privée et publique, avec l’idée de solliciter les compagnies aériennes.
Lire : Les Echos du 23 février